57. l'étiquette oubliée

70 15 25
                                    

Le taxi finit par le rappeler et en s'éloignant, il crut voir Albert tourner la tête vers lui. Il se sauva donc et attendit son taxi à l'entrée du parking à l' endroit convenu.

***

chapitre 57

L'étiquette oubliée

***


Quelques minutes plus tard, (samedi 19 nov 2023), dans un taxi, au croisement de la rue du parc et du centre nautique, Clamard, hauts-de-Seine, 15h30

Assis à l'arrière du taxi, Jérémy tentait de reprendre ses esprits. Pour tout dire, rien de tout ce qu'il avait fait depuis son arrivée en France n'avait de sens, et il regrettait déjà son initiative malheureuse. Il pressa le chauffeur de rattraper le temps perdu. Quel intérêt d'aller rejoindre quelqu'un au centre aquatique encore encombré par la petite valise d'aéroport, et sans même vérifier s'il a ses affaires de piscine dedans ? 

Et en quoi sa menace faite à Paul et son frère va permettre à Albert d'aller mieux ?

Et pire : la priorité n'était-elle pas de retrouver ses chiens, sa compagne, son chez-lui, plutôt que de faire quarante bornes pour aller se geler les couilles dans un bassin chloré en plein mois de novembre ?

Andy. Il fallait qu'il l'appelle. Il était en train de la chercher dans les contacts de son téléphone quand soudain, la porte du taxi – arrêté au feu rouge dans la rue de la piscine – s'ouvrit à la volée. 

Estomaqué, il vit un Arnaud, essoufflé, les cheveux dégoulinants, s'asseoir à ses côtés et refermer la porte aussitôt.

– Arnaud ?!?  Putain qu'est ce que tu fous là ??

Arnaud ne répondit pas, se tenant les côtes, le souffle coupé par l'effort mais le visage rayonnant.

– Mais dégage ! Taxi, arrêtez-vous dés que vous pouvez, il va descendre. Je suis à peine arrivé que tu me colles aux basques comme un psychopate, l'enfer ! Laisse-moi rentrer chez moi ! Ah, en plus tu pues le chlore et tu souffles comme un boeuf ! T'es vieux, tu souffres, tu vas décéder sur place ! Dégage !

Mais au lieu d'être blessé, Arnaud continuait de sourire, les yeux rivés sur Jérémy. 

– Allez, descends ! Va rejoindre la BMW de ton pote. Ce taré qui ne sait même pas se servir d'un presse- purée !

Le sourire d'Arnaud s'agrandit encore. Jérémy venait, dans le même temps, de trahir sa présence dans la file d'attente et de laisser poindre un soupçon de jalousie.

– Jérémy... chuchota-t-il. Puis après un silence où il tâchait de reprendre son souffle, il ajouta : pourquoi tu n'es pas venu te baigner ?

–Tu m'as regardé ? J'ai une tête à aller à la piscine un samedi après midi avec tous les morveux qui crient dans les douches ou font des plaqués dégueulasses ? Ah, j't'en supplie ! 

Arnaud fouilla dans ses poches et lui montra un bout d'étiquette : un papier autocollant blanc et vert, estampillé  Dakar AIBD 2928LK . Celui qu'on colle sur les poignées de valise quand on prend l'avion.

–Albert avait cru te voir, alors il a couru aux cabines, et il est tombé sur ça, par terre. Mais c'est sans doute une coïncidence.  C'est pas le connard de Ferrari qui aurait sauté dans un taxi depuis Roissy, comme ça, pour aller rejoindre Tsamere à la piscine.

Jérémy ne répondit rien. Les yeux délibérément tournés vers la route, il soupira bruyamment, mais il se trahit avec un micro-sourire qui n'échappa pas à son ami.

Arnaud faillit enlacer Jérémy devant cet aveu discret, mais fut déconcerté par son attitude soudainement affolée.

– Merde ! T'en as fait quoi de ton fils ?

– Hé panique pas ! Il est resté avec Paul et sa famille, je l'aurais pas laissé tout seul, tu me prends pour qui ?  Il y passe le week-end chez eux, jusqu'à lundi matin où il l'amène à l'école.

– Il faut le récupérer tout de suite.

Et il ne laissa même pas le temps à Arnaud de répondre, il bondit hors de la voiture en pressant , son ami d'en faire autant . " Jérém, quoi ? Explique-moi, au moins !". Ils regagnèrent le centre aquatique en courant vers la piscine. Hors d'haleine, ils arrivèrent devant la voiture de la famille de Paul était encore garée.

- Merde, ils sont où ? 

– Là-bas ! Le blouson vert ! C'est le sien !

Jérémy désignait un parc de jeu à cinquante mètres du centre aquatique. Arnaud haussa les yeux de surprise mais s'élança vers le square. Au moment où ils franchissaient la petite barrière d'entrée, Jérémy le tira par la manche et lui dit :

– Arnaud, tu vas voir les parents de Paul là-bas. Tu leur expliques que tu dois récupérer Albert, que t'avais oublié, qu'il a un rendez vous médical, un anniversaire, n'importe quoi on s'en branle. Moi  je m'occupe de ton fils. 

- Mais....

- Fais ce que je te dis. 

Arnaud s'executa sans comprendre. Jérémy s'approcha d'Albert, seul sur un banc.

– Psst !

– Oh Jérémy !!!!!!!!! Tu es là !

Albert se précipita et serra fort son sauveur à la taille, se laissant ébouriffer les cheveux par Jérémy.

- Albert. Je vais t'apprendre quelques prises de lutte sénégalaise, mais pas un mot à ton père... Plus jamais personne ne t'emmerdera, tu m'entends ?

Puis Jérémy leva la tête et vit son père faire une accolade chaleureuse à Fabien. 

Il ressentit un poignard dans les entrailles. 

Face à ce sentiment bien trop grand pour lui, il ressentit l'envie de vite rentrer chez lui, rejoindre Andy afin de retrouver le calme et la sérénité. 

Mais avant, il devait fournir quelques explications à Arnaud et s'assurer qu'Albert parlera. 

Le Vol de la CoccinelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant