20. Le Saxo De Thomas (2)

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2ème partie
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Arnaud se précipita et son regard s'arrêta sur le sol de la cuisine. Ce qui restait de salade composée était éparpillé sur le carrelage, et on retrouvait des morceaux du saladier en verre jusque sous le frigidaire. Il attrapa un petit aspirateur accroché au mur près de l'évier.

– Ça va, Jérémy ? 

Son doigt saignait.

– Oui... Merci. J'arrive. dit-il, tandis qu'Arnaud actionnait l'aspirateur.

– Jérémy ... ? s'inquiéta Arnaud.

– C'est bon, je vais me débrouiller, fais pas cette tête, ce n'est qu'une petite coupure. En attendant, tu peux y aller, Arnaud, y'a pas de cendres de grand-mère dans cet aspirateur. C'est un petit modèle, c'est les cendres d'un nain, ça n'a aucune valeur.

– T'es con

Jérémy s'éloigna. Quelques longues minutes passèrent, Arnaud eut largement le temps de nettoyer la cuisine, regrettant qu'une si bonne salade finisse à la poubelle. En rangeant l'aspirateur-cendres-de-nain, il entendit des coups dans le cabinet de toilette où se trouvait l'armoire à pharmacie. Il s'approcha. La porte était entrouverte et Arnaud crut voir Jérémy s'adresser au miroir. Miroir qui avait dû se montrer particulièrement malpoli car Jérémy poussa quelques jurons. Arnaud se surprit à penser que, s'il avait une aussi belle gueule que Jérémy, insulter son miroir serait la dernière des choses qu'il ferait. 

Enfin, la belle gueule en question revint à grandes enjambées. Jérémy attrapa la coupelle de fruits et se planta devant la table de la salle à manger–  où Arnaud s'était prudemment rassis –. Il sortit de but en blanc : 

– C'est Andy, la fusée de ton exemple ? Elle risque de très mal le prendre, tu sais. Surtout si tu lui dis qu'elle a le feu au cul et qu'elle tourne autour de la lune. 

– N'importe quoi...

– Remarque, Thomas Pesquet c'est la classe. 

– Attends, j'ai pas choisi n'importe qui ! 

Ils firent silence. Ah non, pensa Jérémy, Arnaud ne va pas s'en tirer comme ça. Manquant singulièrement de tact comme à chaque fois qu'il était tendu et impatient, il cria  : 

– Et toi, tu es un saxophone, c'est ça ? Tu veux que je te souffle dans le bec, c'est ça ? C'est ça que tu veux ? 

Jérémy vit les joues d'Arnaud blanchir subitement. 

– Arrête de me prendre pour un con, Arnaud ! Tu cherches à me faire dire des choses alors que c'est toi qui commences à les dire !  (il déclama avec une voix aigüe : ) Alors je suis Jérémy Ferrari mais on m'appelle Thomas Pesquet, je suis avec une jolie fusée blonde, mais oh là là, j'aimerais vraiment laisser tomber l'astronautique pour partir sillonner les routes avec ce beau saxophone brun! (il reprit sa voix normale :) T'es content ? ça va, j'ai compris ! 

Jérémy croqua dans une pomme puis continua : 

– Tu as mal choisi ton exemple, car on ne sait toujours pas si oui ou non le saxophone a envie de partir avec Thomas Pesquet, lui ! C'est ça qu'on a envie de savoir, pas l'inverse ! Tu mélanges tout ! 

Il attendit quelques secondes et revint à la charge : 

– Tu ne vas jamais jusqu'au bout ! T'es en train de me refaire le coup de la coccinelle, "on en a plus ou moins fait allusion"! tu commences à te dévoiler, et tu noies le poisson derrière ! D'ailleurs, tu devais me donner quelque chose, j'en mets ma main à couper qu'il y a quelque chose dans la poche intérieure de ton blouson ! ( à ce moment-là, la main droite d'Arnaud se crispait);  Tu as de la chance que je ne suis pas allé fouiller ! Tu me prends pour qui ? Lundi matin, tu me demandes si j'ai des pensées infidèles, et là aujourd'hui tu me sors une métaphore foireuse avec ta fusée et ton saxophone ! Putain, mais Arnaud, assume !!! 

Il lâcha enfin le mot fatidique : 

– Tu m'aimes, c'est ça ? C'est ça que tu cherches à me dire ? 

Jérémy, aveuglé par sa fureur, remarqua enfin la façon dont Arnaud s'était ratatiné sur sa chaise. Il était tout pâle. Foutue pudeur, se dit Jérémy. Incapable d'appeler un chat un chat. Pourtant il aurait pu être encore plus cru, en disant un truc comme " tu veux coucher avec moi ?". 

– Tu m'aimes ? répéta-t-il.

Jérémy avait besoin d'entendre la réponse mais Arnaud pâlissait à vue d'oeil. Plus blanc que lui, il y avait son frigo, et encore.

Il demanda plus doucement :

– Arnaud, est-ce qu....

– Ok, stop, Jérémy, j'ai compris la question, ça va.  coupa Arnaud, j'ai pas envie de te le dire. 

– Ah c'est pratique, comme réponse ! Mais c'est trop tard, Arnaud, putain mais va jusqu'au bout des choses ! 

– Mais tu me fais flipper, Jérémy ! 

Arnaud marqua un temps et reprit : 

– La réponse ne va pas te plaire. 

– Hé bien ne me la dis pas, qu'est-ce que tu veux que je te dise, siffla Jérémy, agacé.

Un silence s'installa. 

Les deux hommes débarrassèrent la table, sans n'avoir plus rien à se dire. Jérémy était dépité. Les seules paroles échangées furent des banalités déconcertantes. Dans l'ordre, le fameux "ça se range où, ça ?", suivi du traditionnel "laisse, je le ferai". Quelques navrants "pardon" de l'un qui souhaite accéder au placard, suivi de son "pardon" de l'autre qui se décale. Ah elle allait être chouette la soirée. A ce train-là, en moins de deux, on débouchait sur un grillage de clope/vapotage en silence, un piteux "je te montre où dormir ?", suivi peu de temps après par le célèbre et non moins affligeant "bon, et bien...  bonne nuit"

Et puis quoi, c'est tout ? Et Arnaud qui repartirait demain comme si de rien n'était? "Ah non, se dit Jérémy, que l'approche de la nuit angoissait déjà en temps normal, je ne le supporterais pas. Une journée sans apaisement, à chercher un peu de répit dans une séance de boxe, passe encore. Mais une nuit sans sommeil, c'est au-dessus de mes forces." 

 Arnaud ne lui laissait pas le choix. Il emploierait la manière forte. 

– Allez viens. Il est grand temps que tu prennes ta leçon de ju-jitsu.

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Les lectrices, il me reste 5 chapitres à ecirr et j'ai fini ma fic !!!!!! 60 chapitres en tout. Alors maintenant c'est 2 chapitres par jour de parution ! Donc à tout de suite :)
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Le Vol de la CoccinelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant