6. Rire sur la dune

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-Bon, elle en met du temps, la coccinelle !

-Allez mamie, oust, bouge ton cul !

-En même temps c'est normal qu'elle prenne son temps : elle a pas envie de se faire flasher.

- Qu'est-ce que tu racontes encore...

-Bin oui, elle n'a plus que deux points sur son permis !

***

chapitre 6 

Rire sur la dune 

***

Bassin d'Arcachon, lundi 13 juin 15:00

Jérémy jubilait, Arnaud avait eu une excellente idée. Les puissantes vagues lui avaient manquées. Il appréciait le kayak qu'il pratiquait régulièrement dans les rivières du Sud de la France, mais l'air iodé de la plage de la Salie, au bord de l'océan Atlantique lui apportait plus d'énergie encore. Le vent agissait comme un adversaire résistant avec lequel il avait envie de découdre. 

Il améliorait sa technique de surf, pendant que le pauvre Arnaud buvait régulièrement la tasse. Ce dernier abandonna bien vite. Jérémy avait bien essayé de lui apprendre, sans succès.

Après une heure de lutte contre les éléments, Jérémy revint vers la plage, ruisselant, la combinaison néoprène descendue sur les hanches, le surf sous les bras.

Il avisa Arnaud, allongé sur le dos, les yeux fermés, lunettes de soleil teintées sur la tête, écouteurs dans les oreilles. Dormait-il ? Il le contempla. Arnaud, l'élégance et la tranquillité incarnées. Souvent drôle, souvent touchant... toujours irrésistible. Comment s'énerver contre lui ?

Jérémy enleva sa combinaison sans quitter Arnaud du regard. A quoi jouait son ami ? Pourquoi lui a-t-il demandé s'il arrivait de désirer quelqu'un d'autre ? Il repensa au trouble qu'il a ressenti en sa présence, et au mauvais pressentiment qui lui avait pris tout à l'heure.

Son histoire de coccinelle... mais comment il a pu être aussi con pour gober une histoire pareille. D'abord, on ne garde pas une coccinelle dans sa poche de blouson, ça n'a pas de sens. Et puis, Arnaud avait parlé de... comment déjà ?... De quelque chose qu'il cache, qu'il n'ose pas dire, dont il a peur que Jérémy lui rit au nez...

Ça pue la déclaration à plein nez.

Un aveu. Au secours.

"J'ai eu chaud. Maintenant il va falloir se la jouer serré s'il revient à la charge. Mais sans rien changer du programme. Et sans lui dire" Ta gueule" frontalement. Esfeintac. "

Il respira profondément et s'allongea, la peau encore humide, contre le sable chaud en attendant le réveil d'Arnaud. Il lui semblait entendre encore la douce mélodie... la batterie... l'air enchanteur... la rivière blanche... il se réveilla avec la musique en tête, qu'il fredonna. Il était étonné de s'en souvenir si bien. Entre-temps, Arnaud était parti se baigner.

Quand ce dernier revint, il dit à Jérémy :

-Ah, tu es réveillé. Alors, ces vagues, t'as kiffé ? Allez, tu viens maintenant, on monte en haut de la dune du Pilat !

Jérémy, déterminé à ne rien laisser paraître, répondit :

- OK je suis chaud. Mais t' es sûr qu'on aura le temps ? On a encore une heure de route ce soir, avec pas mal de circulation ! Si on est en retard je te défonce.

- Mais ouiiii... Allez, viens, on ne peut pas louper une occasion pareille !

- Je me méfie, qu'est ce que tu vas me refourguer encore là-haut ? Une mouche ? Un pigeon ? Une sauterelle ?

Arnaud pouffa et ils allèrent à la voiture se préparer. Ils se rendirent au pied de la plus grande dune d'Europe, et commencèrent à monter, vêtus de shorts, t-shirt, casquette, baskets, un sac à dos sur l'épaule contenant de l'eau et un petit truc à grignoter là haut.

-Ah non attends, continua Jérémy, après le coup de la coccinelle, je vais avoir le droit à une bête avec une blague débile, au sujet d'un truc que tu me dois, que tu m'as pété...Tu me diras, pour ça, y'a l'embarras du choix c'est pas la question... Tiens,  par exemple : le rétroviseur il y a trois ans sur le parking d'Ikea... je suis sûr qu'il y a un rétroviseur en haut de la dune.

- Je te l'ai pas pété ! se défendit Arnaud avec mauvaise foi.

-Arnaud, quand un rétroviseur pendouille sur le côté de la voiture, je sais pas comment tu appelles ça....

-C'était de ta faute ! Si tu t'étais pas esquivé au moment où j'essayais de te faire une prise de jujitsu, mon pied n'aurait pas atterri sur ton rétroviseur !

-Ah oui, parlons-en de ta prise de ju-jitsu...! Je ne sais pas ce qu'il m'a pris ce jour-là, de vouloir t'apprendre ce sport ! C'était catastrophique !

Ils continuèrent leur ascension de la dune, prenant plaisir à cette fausse querelle qui faisait bien rire les quelques touristes présents autour d'eux.

-Jérémy, le jour où tu m'inviteras enfin dans ta salle de sport chez toi, tu sais, ta superbe salle de sport d'au moins deux millions de mètres carrés que tu as installée à côté de ton garage, je serai dans de bonnes conditions pour recevoir tes leçons de ju-jitsu. D'ici là, je m'en fous, je continuerai à m'entraîner sur le parking d'un supermarché à côté de ta coccinelle.

- Arnaud, le jour où tu honoreras mes invitations sans me répondre que " Ha bah non, je ne suis pas dispo, tu comprends j'ai une course de Formule 1 en ligne sur le circuit de Monaco, mais en faux, depuis chez moi, je ne peux pas louper ça"... Je te donnerai des cours dans ma salle de sport de deux millions de mètres carrés, en te filant même un GPS pour que tu t'orientes jusqu'au tatami.

Ils progressaient lentement côte-à-côte, s'aidant de leurs mains sur le sable.

-Bon, reprit-il, tout ça ne me dit pas la chose que tu m'as pétée ou piquée, que tu vas chercher à me refiler là haut, après ta coccinelle de tout à l'heure ...

Il continuait, faisant mine de réfléchir face à un Arnaud hilare :

-Merde, un rétro ça marche pas, faut aussi que ce soit le nom d'un animal... Attends... là, regarde, y'a des mouettes... Tu ne m'as pas pété de mouette...

Arnaud se tordait de rire en grimpant, mais à présent, à bout de force, il glissait dans le sable... Jeremy soupira. Plus endurant et plus stable sur ses appuis, il n'avait pas d'autre choix que d'aider son ami s'il ne voulait ne pas y passer la semaine. Il se plaça derrière lui, le poussant en bas du dos et bloquant son pied avec ses mollets.

Ils avaient pratiquement atteint le sommet de la dune, quand soudain Jérémy s'arrêta net, forçant Arnaud à se retourner. 

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Merci d'être revenues, merci pour les votes qui me permet de vous savoir encore là  ! Le prochain chapitre s'appelle
"du sable sur tes lèvres"
et c'est maintenant !

Le Vol de la CoccinelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant