9/Claquement

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   Le choc de mon corps contre le sol me força à rouvrir les yeux. Je hoquetai, cherchant mon souffle, les idées trop confuses.

  J'entendis vaguement une voix jurant :
"Merde !" mais c'était comme si j'avais la tête sous l'eau. Tout ce que j'entendais c'était...
                                        un claquement.

  En plus de son coup dans l'estomac, me coupant la respiration, sa main m'empêchant brièvement de reprendre de l'air...
                                         le claquement.

   Anodin pour tant de personnes. Oh, comme j'aimerais en faire partie. Je n'aurais jamais vécu tout ça si ce claquement n'avait pas été là. Il signifiait bien trop pour moi. Ce bruit. Si je ne l'avais pas entendu comment aurait été ma vie ?

   Meilleure je suppose. Pourtant je l'avais entendu, ils l'avaient entendu, et ils n'étaient plus là. Il résonnait en moi, comme ces paroles...

       Non, non, non pas maintenant...

           - Putain, respire normalement là !

           - Allez, c'est bon, j'ai rien fait, calme toi !

           - Pourquoi tu paniques pour ça ?

           - L'autre tu l'entends ? T'as vu la crise d'asthme mdr !

    Recroquevillée sur le sol, me tenant, me retenant, me tirant le sweat, appuyant sur mon ventre, raclant le sol de mes mains je n'entendais plus que leurs voix. Ces voix.

   Ils ne comprenaient pas, ils ne savaient pas, ils ne les avaient pas vu, non, ils ne l'avait pas vu non, non... Non !

         - Non, non, non... suppliai-je.

   Et qui suppliai-je ? Lui ? Eux ? La vie ?

  Je haletai trop, ma cage thoracique allait se bloquer. Leurs voix pénétraient en moi, surpassant mon cerveau, emplissant mes poumons, remplaçant l'air et bloquant mon torse.

    Leurs voix... ces voix...
                                       mais pas sa voix.

          - Eh, respire.

   C'était la première fois que j'entendais sa voix. Elle eut sur moi un effet de calme instantané, comme lorsque je restais sous la neige, dans le froid pour oublier. Chassant leurs voix. Mais ce n'était pas suffisant, pas suffisant pour moi. Pour le claquement.

        - Focalise toi sur ma voix. Sur les sensations concrètes. Le toucher. Les feuilles mortes sous tes mains.

     Ses conseils étaient posés, clairs. Et efficaces.

   Avec de grands efforts, mon souffle se régula. Je respirai à nouveau.

Je me redressai avec peine, trop choquée pour réaliser que j'avais rattrapé le garçon que je cherchai.

   Je remarquai vaguement que celui-ci, qui s'était tenu caché derrière la cabane pour m'agresser, se trouvait maintenant loin de moi, pour ne pas me toucher, ne pas empirer la crise.

     Il n'était pas parti après son attaque, il m'avait aidé. Et là, il attendait que je reprenne mes esprits.

Qui revenaient enfin.

Le Jeu T1 : AloneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant