Chapitre 6

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 CHAPITRE VI

Clara

Je marche, la tête baissée, un peu perdue, en direction de mon appartement. La nuit s'est abattue rapidement sur San Diego et mon quartier n'est pas le plus sécurisant de la ville. Je ne cesse de repenser à mon aventure de l'après-midi, si on peut appeler ça comme ça. C'était galvanisant de me retrouver confrontée au danger, mais Steven a raison, les conséquences auraient pu être terribles.

Le concierge me salue, mais je ne lui réponds pas, perdue dans mes pensées. Je sors la clef de ma poche et la laisse s'échapper. Bordel, cette journée m'a vraiment vidée de toute mon énergie. Un bruit métallique résonne dans toute la cage d'escalier et, alors que je soupire en regardant le trousseau, je sursaute quand la porte s'ouvre sans que je touche la poignée.

— Putain, Zack, tu m'as fait peur !

Ses pupilles sont dilatées et ses paupières semblent lourdes. Il me sourit niaisement en me tendant son pétard. Ses gestes sont lents et manquent de précision. D'accord, il est complètement défoncé.

— Tu es beaucoup trop tendue, me dit-il.

J'inspire une profonde bouffée en entrant dans l'appartement et me laisse tomber sur le canapé. Je pose ce qu'il reste de mon appareil photo à côté de moi et je contemple ce désastre. J'ai juste le temps de tirer une nouvelle fois sur son mégot que Zack me l'arrache des lèvres et le porte à sa bouche. Je ne tarde pas à me sentir apaisée. Cet abruti a raison, cela fonctionne. Je sens mon cerveau fuser de toutes parts et des milliers d'idées surgissent sans que j'y pense réellement. Perdue dans mes pensées, je ne remarque la présence de ma voisine de palier que lorsqu'elle s'adresse à moi :

— Tu as une mine affreuse.

Je lui souris, bien trop détendue pour l'envoyer sur les roses.

— Je te retourne le compliment. Tu n'es pas censée bosser à cette heure-ci ?

Elle se laisse tomber sur le vieux fauteuil en face de moi et précise :

— Ce salopard de Jensen m'a foutue à la porte.

— Pourquoi ?

— Parce que c'est un abruti, répond-elle sèchement.

Ce n'est pas vraiment une surprise, la réputation de cet homme n'est plus à faire.

— Oui, non, ça j'avais compris. Je te demande ce que tu as fait pour qu'il te vire.

Elle peste et agite ses bras avant de répondre :

— Et pourquoi est-ce que j'aurais forcément quelque chose à me reprocher ?

— Un patron vire rarement ses employés sans raison, commenté-je.

Les yeux rouges de Zack fixent le sol sans qu'il les fasse cligner pendant de longues secondes, comme s'il n'était plus en mesure d'effectuer le moindre geste. Je ne m'attends pas à ce que notre voisine poursuive ses explications, de toute façon elle n'a jamais été douée pour garder un boulot. À y repenser, c'est peut-être elle qui a raison. Elle ne se laisse pas abuser par un patron, elle n'hésite pas à démissionner s'il est un peu trop exigent. Depuis que j'habite dans cet appartement avec mon colocataire, elle n'a jamais su garder un emploi plus de deux mois.

— J'ai piqué de l'argent dans la caisse du bar, chuchote-t-elle.

Je pouffe de rire en me servant un verre de vodka.

— Et tu t'étonnes qu'il t'ait viré ?

Qu'elle réponde à ma question ou non, j'espère vraiment qu'elle est consciente de ce qu'elle fait.

— C'est bon ! Cet enfoiré est le gars le plus riche de la ville !

— En même temps, il possède quatre casinos, si ma mémoire est bonne.

— Tu parles, c'est pas avec ça qu'il a fait sa fortune ! Il se passe beaucoup de trucs louches au Seven Mile.

Je quitte mon verre des yeux, soudainement intriguée par son discours.

— Qu'est-ce que tu entends par là ?

— Quand j'ai été recrutée, j'étais censée m'occuper du ménage de tout le casino. En réalité, il y a plusieurs étages où je n'ai jamais eu le droit d'aller. J'ai vu des types bizarres entrer, mais jamais ressortir. Il y a même un ascenseur que personne, à part quelques agents de sécurité, n'a le droit d'emprunter.

Je plisse des yeux inconsciemment, réfléchissant à toute allure à ce qu'elle me dévoile. Je suis consciente que monsieur Jensen a une certaine notoriété dans la ville, mais je n'ai jamais songé au fait que des activités illégales peuvent en être à l'origine. C'est peut-être une opportunité à saisir pour gagner ma place parmi les plus grands journalistes de San Diego. Mon cerveau s'emballe et des dizaines de solutions me viennent à l'esprit. Je me redresse, le dos droit et le torse bombé. C'est ça ! Il faut que je sois embauchée au Seven Mile ! C'est le meilleur moyen de débusquer ses agissements, de m'infiltrer.

— Sais-tu s'ils vont te remplacer ?

— Je n'en ai aucune idée, mais tu as déjà un travail, non ?

— Oui, justement, réponds-je.

Steven lui-même me l'a conseillé. Un vrai pigiste se plonge au cœur de l'action, ce sont ses mots. Cela tombe à point nommé. J'ignore les conseils de ma voisine sur la dangerosité d'une telle idée et pianote à toute allure sur mon téléphone pour trouver le numéro du casino. Moi qui pensais en avoir fini pour la journée avec les émotions fortes, me voilà replongée en pleine bataille. Et cette fois-ci, je vais gagner.

L'infiltrée (FxF)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant