Chapitre 7

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CHAPITRE VII

Jessy

Je sors de ma voiture, apprêtée et parfumée comme si je me rendais à un rendez-vous galant. Je n'ai pas besoin de me regarder une dernière fois dans le rétroviseur, je sais que ma chemise cintrée me met parfaitement en valeur. Je range mon arme à feu à la ceinture, comme je le fais habituellement, mais je n'ai pas besoin de la dissimuler. Les individus que je suis sur le point de rencontrer savent quel est mon rôle dans ce genre de réunion. D'un petit claquement de doigts, j'ordonne à Jack de me suivre et nous nous dirigeons tous les deux vers l'ascenseur dissimulé dans le garage. Officiellement, ce parking est réservé aux membres de la direction, mais nous savons tous que monsieur Jensen est le seul à gérer cet établissement et c'est l'endroit parfait pour dissimuler une entrée secrète. Un homme en costume noir me salue poliment et m'autorise à entrer. Je lui rends son sourire et attends que les portes se referment derrière moi.

Devant la salle de réunion, je serre solennellement la main de Matt lorsque je l'aperçois.

— Ils sont tous arrivés ? demandé-je.

— Pas encore, il manque Davidson.

— Je suis là !

Je me retourne et lui adresse un sourire des plus chaleureux. Il s'avance vers moi et me tapote amicalement l'épaule.

— Monsieur Davidson, je suis ravie de vous revoir. Nous n'attendions plus que vous pour commencer.

— Je suis désolé du retard, me dit-il, c'est cette jambe qui fait encore des siennes.

Je scrute la canne qu'il tient dans sa main. Son pommeau est recouvert d'or et le manche semble avoir été sculpté dans un bois de très bonne qualité. Ce n'est pas surprenant pour un chirurgien à la retraite, mais c'est toujours plaisant d'être baigné dans le luxe.

— Je suis désolée de l'apprendre, lui dis-je en ouvrant la porte. Je vous en prie.

Je le laisse entrer en premier et prends place dans un coin de la salle. Tous les participants avaient déjà pris place autour de la table en marbre, alors j'adresse un signe de la tête à monsieur Jensen qui débute la réunion.

Jack est assis à mes pieds et je croise les bras, scrutant les moindres faits et gestes des invités. Je n'écoute pas le discours de mon patron, je le connais par cœur. Mon regard s'attarde sur un jeune homme que je n'ai jamais vu. Son costume est taillé dans le détail et sa chemise turquoise met parfaitement ses yeux bleus en valeur. Son béret noir vient parfaire sa tenue et seules quelques mèches de cheveux dépassent. À sa façon de remuer les mains lorsqu'il s'exprime, j'en conclus qu'il doit être italien.

Sur le fauteuil d'à côté, je reconnais monsieur Ferguson. Il assiste à ce genre de réunion presque toutes les semaines et sa place est attitrée. Sa façon de s'habiller ne fait pas refléter sa fortune colossale et, malgré qu'il ait subi des réflexions de Jensen à ce sujet, il s'habille toujours en pantalon de jogging. Je l'admire pour son aplomb, je serai bien incapable de lui tenir tête de cette manière.

Un peu plus loin se tient monsieur Jenkins, avachi dans son fauteuil comme si les innombrables verres d'alcool que lui sert la jeune femme au bar le rendent incapable de se tenir droit. Il a environ cinquante ans, mais les traits tirés de son visage laissent présumer que la vie n'a pas dû être tendre avec lui. Les marques sous ses yeux révèlent un manque de sommeil évident et son camarade de gauche est obligé de lui tapoter le bras à plusieurs reprises pour le tenir éveillé.

Je continue mon tour de table en silence. Le discours d'ouverture de Jensen est terminé et j'admire la danse improvisée qui se joue en ce lieu, chorégraphiée par les mains des participants qui se lèvent tour à tour. Le visage de mon patron s'émerveille un peu plus à chaque fois qu'il tape sur la table de sa main ouverte, de la même manière qu'un commissaire-priseur adjuge une vente.

La séance continue de cette manière durant plusieurs heures, sans que Jack ni moi ne bougions, jusqu'à ce qu'une phrase me fasse réagir.

— Cette fois-ci, c'est une femme. La trentaine, blonde, les yeux clairs.

Je baisse la tête et soupire. Il est évident que je sais de qui il parle.

— Elle est on ne peut plus fraîche, elle est d'hier soir. On commence avec le cœur. Cent mille dollars.

Les six participants lèvent la main en même temps et Jensen ne sait plus où donner de la tête tant les enchères montent rapidement. Au bout de quelques minutes à peine, il frappe de son poing sur la table et monsieur Davidson s'applaudit lui-même. J'esquisse un sourire, ce vieil homme est amusant. La serveuse dépose une petite boîte dans son sac sans qu'il la voie faire et retourne à son poste. L'épaule gauche de Kate est adjugée à huit cents dollars et son foie à vingt-trois mille.

La totalité des lots ne tarde pas à être vendue et Jensen invite les participants à prendre congé. J'ouvre la voie vers l'ascenseur doré. Devant les portes de la machine, je sens la main de l'homme à la canne se poser sur mon épaule. Il me demande :

— Veux-tu manger à la maison, demain soir ? Ma femme cuisine le cœur à la perfection.

Je souris pour dissimuler mon dégoût. Ils font ce qu'ils veulent de cette viande, mais je ne veux certainement pas en manger. D'autant plus qu'il s'agit de Kate, je l'ai déjà goûtée, et je suis prête à parier que sa peau avait une meilleure saveur de son vivant.

— Je vous remercie, monsieur Davidson, mais j'ai d'autres projets pour demain soir.

— Une prochaine fois, dans ce cas.

— Avec plaisir, mentis-je.

Je soupire lorsque les portes de l'ascenseur se referment et que je vois leurs visages disparaître. Je pose les yeux sur ma montre, étonnée de l'heure précoce à laquelle la réunion vient de se terminer. Jensen me surprend et me dit :

— Il est encore tôt parce que j'avais de la marchandise de qualité, grâce à toi.

— C'est un horrible compliment, lui réponds-je en me retournant.

— Tu peux être fière de toi, moi en tout cas, je le suis. Continue de me ramener des filles et tu seras bientôt plus riche que moi.

Il dépose une enveloppe épaisse dans ma main et retourne s'enfermer dans son bureau. Mes yeux s'écarquillent en réalisant que l'enveloppe contient cent mille dollars. Le prix de départ du cœur de Kate. 

L'infiltrée (FxF)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant