Chapitre 29

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CHAPITRE XXIX

Jessy

Il me pousse dans son bureau avec une force inouïe avant de verrouiller la porte et de glisser la clef dans sa poche. Je lui fais face, fière et digne, mais il m'assène une gifle tellement puissante que je suis obligée de me retenir à son bureau pour ne pas tomber. Il se rapproche à une vitesse fulgurante et agrippe une poignée de mes cheveux. Je suis obligée de pencher la tête en arrière en grimaçant.

— Qu'est-ce que tu lui as dit ?

— Rien du tout !

— Ne me prends pas pour un con, Jessy. Je t'avais prévenu que je n'accepterais pas une deuxième erreur de ta part.

Je sens mes cheveux s'arracher un à un sous sa main et je peine à garder les yeux ouverts. Je réunis toutes mes forces pour résister à l'envie de me débattre. La douleur n'en sera que plus atroce.

— Je suis responsable d'avoir couché avec elle dans l'ascenseur, mais je n'ai rien dit !

Il me relâche, mais je le connais par cœur, il n'a pas terminé de déverser sa haine sur moi. Je me masse le crâne et me retourne pour lui faire face.

— Vous m'avez ordonné de garder un œil sur elle, c'est ce que je fais. Frappez-moi autant que vous le voulez, mais je n'avouerais pas quelque chose que je n'ai pas dit.

Il m'assène un coup de poing en plein visage et je sens le dessin de sa chevalière s'imprimer sur ma joue avant de tomber à la renverse. Je tousse en reprenant mon souffle, agenouillée à ses pieds comme un vulgaire animal soumis. Je me redresse en le regardant droit dans les yeux. Un liquide chaud s'écoule le long de mon visage, mais je ne bouge pas.

— Elle n'est au courant de rien. Jamais je ne vous trahirai.

— Je te crois, Jessy, dit-il calmement.

Il pose sa main sur mon épaule et mon corps se raidit de lui-même, anticipant sa colère, mais à mon grand étonnement, le coup ne vient jamais. Il se contente de me sourire en coin en tapotant ma joue. Ce geste a le don de m'exaspérer, mais c'est une de ses vieilles habitudes. Il me traite de cette manière depuis que je suis enfant et c'est ce qui a forgé mon caractère, alors j'encaisse sans réagir. Il déverrouille la porte et me fait signe de le suivre. J'en profite pour essuyer le sang qui s'écoule abondamment de ma tempe à l'aide de la manche de ma chemise. Putain, il ne m'a pas loupée.

Nous traversons le couloir dans un silence suspect. Je ne sais jamais à quoi m'attendre avec lui, et je doute qu'il me laisse m'en tirer avec une simple égratignure. Sauf si bien sûr, pour une fois dans sa vie, il croit en mes paroles. J'avance lentement et il me précède, ma vision est légèrement trouble et j'ai du mal à me repérer. Il me fait entrer dans une petite pièce et je me retourne, constatant qu'il attend à la porte.

— Reste ici, nous reprendrons cette conversation après le bal.

— Quoi ? Pourquoi ?

Il prépare quelque chose, j'en suis certaine.

— Si tu ne veux pas me parler, je vais aller poser les questions à petite copine.

— Non !

Je me rue vers lui et le pousse de toutes mes forces. Merde, qu'est-ce que je suis en train de faire ? Je tente de lui asséner un coup de poing au visage, mais je suis retenue par un homme énorme qui fait preuve d'une force impressionnante. Je le regarde, le suppliant en silence de me libérer, mais le coup qu'il me donne me coupe la respiration et je m'effondre. Le Docteur s'avance vers moi et m'agrippe par le bras pour me traîner dans le petit bureau. Je ne peux m'empêcher de hurler, son emprise sur ma brûlure est trop importante et je sens mes larmes monter. Il me fait glisser sur le sol comme si je pesais le poids d'une plume, et ferme la porte à double tour. Mon corps entier me fait mal, mais je l'ignore et cours vers la porte en tambourinant aussi fort que j'en suis encore capable.

— Salopard, ne touche pas à Clara !

Je supplie dans le vide, il est clair que Jensen s'en est allé. Je prends de l'élan et lance mon pied, sans résultat. J'en fais de même avec mon épaule, mais la seule chose que j'obtiens est une douleur vive dans tout le bras. La plaie de mon arcade ne s'est toujours pas arrêtée de saigner et je suis à bout de forces. Je me laisse glisser jusqu'au sol. Bordel, il n'y a aucune issue. Il n'y a aucune fenêtre et aucun meuble ne peut m'être utile. Seule une ampoule allumée grésille au plafond. La seule chaise en bois disposée dans un coin de la pièce se brisera dès qu'elle aura touché la porte. Je suis prise au piège.

Je ne sais pas depuis combien de temps je suis enfermée ici. La seule certitude que j'ai, c'est que cet enfoiré de géant m'a brisé des côtes. Mes poches sont vides, j'ai probablement fait tomber mon portable dans la lutte. De temps à autre, je tambourine à la porte en hurlant, mais visiblement personne n'entend mes supplications. Je me redresse une énième fois en tentant un appel au secours :

— Putain, sortez-moi de là !

Et je m'effondre de nouveau. La colère qui se mêle à l'inquiétude me fait monter des larmes et je pleure en silence. Il ne me reste plus que ça.

Je me réveille, vaseuse. Mon corps entier est meurtri et peut-être que mon cœur l'est plus encore. Je ne sais pas combien de temps j'ai dormi, mais toutes mes forces se sont échappées de mon être. La douleur que je ressens dans mon crâne ou dans mes côtes n'est rien comparée à celle que je ressens dans mon cœur. Peut-être qu'à l'heure qu'il est, Jensen s'en est pris à Clara. Je n'en sais rien et je me torture le peu d'esprit qu'il me reste. Je frappe tout doucement à la porte, pourtant j'y mets tout mon courage. Je tombe à la renverse, les yeux fermés, et ma tête heurte le sol. Comme si j'avais besoin de ça. Je ne me redresse pas, j'ai plutôt envie de me laisser dépérir.

— Jessy, relève-toi.

Me voilà en train d'halluciner et j'entends la voix de Jensen faire son apparition dans ma tête. Je suis en train d'errer dans un coma et ma dernière pensée n'est même pas tournée vers Clara. La femme dont je suis éperdument amoureuse ne doit plus exister à l'heure qu'il est. Je me laisse sombrer, ouvrir les yeux est au-dessus de mes forces, respirer est trop douloureux. Je suis secouée de tous les côtés et mon crâne est sur le point d'exploser. J'ai l'impression de hurler quelques supplications, mais je ne suis pas certaine de prononcer le moindre mot. Des mains fermes m'agrippent les épaules et je geins. Je ne sais pas si je suis en train de rêver, mais je suis certaine de reconnaître la voix de mon patron. J'ouvre un œil, de toute façon je suis incapable d'ouvrir le second. Ma vue a besoin de quelques secondes pour se stabiliser et le sourire qu'il m'adresse me donne la nausée.

— Rentre chez toi.

Je suis à peine capable de tenir sur mes jambes, mais de le voir en face de moi réveille ma haine et je le plaque contre le mur, sans trop savoir comment.

— Qu'est-ce que t'as fait à Clara, espèce de salopard ?

— Rien du tout, je t'assure. Viens, je te ramène chez toi.

— Je n'ai pas besoin de toi.

Comme si mon corps me jouait un tour, je vacille et il me rattrape avant que je tombe.

— Ne sois pas ridicule, tu arrives à peine à marcher.

— À qui la faute, putain ?

C'est la première fois que je lui manque autant de respect, mais étonnamment, il ne réagit pas. Je doute qu'il soit le genre d'homme à culpabiliser, mais quelque chose sur son visage est différent.

— J'ignorais que ta copine était la petite fille de Davidson.

Ma tête doit avoir heurté le sol avec plus de puissance que je le pensais, parce que je ne comprends absolument rien de ce qu'il est en train de dire. Il me tend mon téléphone et je le glisse dans ma poche en fixant toujours ses yeux. Avec lui, je ne sais jamais à quoi m'attendre. J'entre dans son jeu :

— C'est la seule raison pour laquelle tu ne t'en es pas pris à elle ? Tu ne me fais pas confiance à ce point ?

Il me tourne le dos, mais je reste sur mes gardes, bien que je doute d'être capable de me défendre s'il tente quelque chose.

— Rentre chez toi.

Je le regarde s'éloigner, immobile. Il emprunte l'ascenseur doré et je m'assure que l'étage soit désert avant de composer le numéro de Clara. Je soupire lorsque j'entends sa voix. Je pleure tout autant que je souris. Putain, elle est en vie.

L'infiltrée (FxF)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant