L'infiltrée (FxF)

Chapitre 20

CHAPITRE XX

Clara

Les jappements de Jack me réveillent et je caresse le lit froid avant d'ouvrir les yeux et de réaliser que Jessy n'est pas allongée près de moi. J'attrape mon téléphone et constate qu'il est plus de dix heures. Je ne sais pas si elle a dormi ici cette nuit, mais il est sûr que Jensen a eu besoin d'elle jusqu'à tard, puisqu'à deux heures elle n'était toujours pas rentrée. Je commence à comprendre d'où vient sa fortune, elle est en permanence au casino, et même lorsqu'elle est censée ne pas y être, elle y retourne. J'espère vraiment que les choses vont changer parce que Jessy a désormais d'autres occupations que son travail.

Je sors du lit en prenant soin de me couvrir avec son peignoir et me dirige dans le salon. L'odeur du café fraîchement coulé me chatouille les narines, mais Jessy est introuvable, seul Jack s'approche pour me saluer. Je tapote sa truffe et embrasse son museau avant qu'il ne se rue sur son jouet en forme de hamburger. La lumière qui traverse les baies vitrées m'aveugle et je protège mes yeux en posant ma main contre mon front. C'est au même moment que j'aperçois Jessy, accoudée à la rambarde de son balcon, une cigarette à la main. Je souris, même si elle est de dos, et me rapproche.

— Bonjour, lui dis-je.

Elle se retourne et mon sourire disparaît instinctivement. Je ne suis même pas certaine de voir ses yeux tant les cernes ont envahi son visage. Ses paupières sont rosées et j'ai l'impression que des rides apparaissent sur sa peau.

— Tu n'es pas venue te coucher avec moi ?

— J'ai eu une insomnie, avoue-t-elle, je suis restée dans le canapé.

Elle sort un livret de sa poche et me le dépose dans la main sans que j'aie le temps de réagir.

— Je suis sortie t'acheter le journal, j'ai pensé que tu aimerais le lire.

— Euh, je ne lis pas le journal, mais c'est gentil.

Elle ne prend même pas la peine de m'embrasser et passe devant moi pour retourner dans son salon. Sa main ne m'effleure même pas, elle m'ignore, c'est comme si j'étais invisible. Je vais mettre son comportement sur le compte de la fatigue. Je presse mon pas pour rentrer et dépose le journal sur le plan de travail de la cuisine. Je me serre une tasse de café et la rejoins sur le canapé.

— Tu as prévu quelque chose, aujourd'hui ?

— Je vais rester ici pour me reposer, mais tu devrais sortir, ça fait longtemps que tu n'as pas vu tes amis.

Elle ne s'est jamais adressée à moi avec une telle fermeté. Je pose la main sur sa cuisse, mais elle ne la rejoint pas.

— Je n'ai pas vraiment d'amis, tu sais.

— Tu devrais aller boire un verre avec Steven.

Je sens mon corps se raidir.

— Pourquoi est-ce que tu me parles de lui ?

Elle se tourne enfin pour me regarder et répond :

— C'est le seul dont tu m'aies parlé.

Elle vient de marquer un point, mais entre le journal et Steven, ça fait deux coïncidences pour le moins troublantes. J'ai l'impression que ses yeux noirs transpercent mon âme et qu'elle peut y voir ma détresse, que je tente de dissimuler par tous les moyens. C'est peut-être l'occasion de lui dire la vérité, mais l'état dans lequel elle se trouve me fait assez de peine et je suis incapable de lui porter le coup de grâce. Je meurs d'envie de l'embrasser, mais ses yeux sont de nouveau rivés dans le vide. Je ne sais pas ce qui lui prend, mais j'ai compris le message.