Chapitre 9

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CHAPITRE IX

Jessy

Bien que la tentation soit grande de la regarder replacer son chemisier, mon professionnalisme m'oblige à quitter les vestiaires. J'ai le sourire aux lèvres, cette femme est très agréable à admirer et sa naïveté est touchante. L'air qu'elle avait sur le visage en entrant, je m'en souviens parfaitement, j'avais le même. Quand on ne provient pas de ce milieu, c'est toujours impressionnant de découvrir les entrailles d'un casino.

J'entre dans le bureau de Jensen dès qu'il m'en donne l'autorisation et le préviens que son rendez-vous est arrivé. Il me regarde, l'air toujours aussi dédaigneux qu'à son habitude, et soupire avant de me dire :

— Dis-lui qu'il est viré.

— Elle vient pour un entretien d'embauche, lui dis-je en insistant sur le premier mot.

Il ne prend même pas la peine de lever la tête du dossier qu'il tient entre ses mains et s'agace :

— Dis-lui qu'elle n'est pas prise.

— Avec tout mon respect, Monsieur, cette femme a vraiment l'air d'avoir besoin d'un travail.

Je mens un peu, il est vrai, mais j'estime qu'il n'y a rien de plus important que d'avoir des employés motivés, peu importe leurs compétences, et l'air ébahi qui était imprimé sur son visage suffit. À mon sens, mais évidemment, quand il est question de payer, mon patron ne partage pas mon avis.

— Fais ce que tu veux, je n'ai pas le temps de gérer ça en ce moment.

Sa réaction me surprend totalement, mais je sors de son bureau sans prendre le risque de le faire changer d'avis. Pour la première fois de sa vie, monsieur Jensen vient de me déléguer une mission qui ne consiste pas à éliminer quelqu'un. Je suis à la fois étonnée et fière, mais ma satisfaction attendra, il faut que j'annonce la nouvelle à la demoiselle qui attend dans le vestiaire.

Quand j'entre dans la pièce, son petit bond est attendrissant. Je souris un peu bêtement devant son air surpris et constate qu'elle s'est rhabillée correctement. Je lui mens, mais c'est pour la bonne cause, et quand je vois son visage s'illuminer, je ne peux qu'être certaine d'avoir pris la bonne décision. Je l'invite à me suivre pour lui montrer les salles les plus essentielles à l'exercice de ses fonctions. Je la regarde s'extasier devant chaque recoin qui se dévoile et ses yeux bleus illuminent les couloirs. Si je n'avais pas retenu la leçon d'il y a quelques jours avec Kate, je lui aurai probablement sauté dessus, mais il est hors de question que je m'autorise de flirter avec une femme rencontrée au casino. Ce travail a beaucoup trop d'impact sur ma vie et il est grand temps que j'apprenne à le dissocier de ma vie privée.

À la fin de notre tour, je la libère et m'éloigne, presque à contrecœur. Il se dégage d'elle quelque chose d'envoûtant que je ne m'explique pas. Je suis certaine que c'est uniquement parce que je m'interdis une quelconque relation que je suis attirée par cette femme, mais lorsque je repasse dans le couloir et que je la vois me sourire tendrement, je suis conquise. La petite fossette qui apparaît sur sa joue me charme instantanément. Je m'éloigne en secouant la tête, comme pour m'empêcher de penser au goût de ses lèvres et je me dirige vers la salle de jeux. J'entre dans une seconde salle, réservée aux paris plus élevés, et me rapproche d'une table de poker en saluant le croupier.

— Jessy ! Quel plaisir de te revoir, me dit un vieil homme, viens faire une petite partie !

— Pareillement, monsieur Davidson, mais je n'ai pas les moyens de jouer à cette table.

Ce n'est pas vrai, mais il n'a pas besoin de le savoir. Il joue de son sourire en coin pour me forcer la main, et je soupire. Monsieur Davidson est probablement le plus gros client de Jensen et je suis un peu obligée de me plier à ses désirs, mais ça me fait plaisir, c'est un homme charmant. Depuis que je le connais, il ne cesse de parler de sa femme, mais il ne me l'a jamais présentée. Il faut dire que j'ai décliné toutes ses invitations.

Je me dirige vers la caisse et échange une liasse de billets contre des jetons avant de m'installer à ses côtés. Je mise d'emblée lorsque je vois un as de trèfle et un roi de pique se dévoiler quand je prends mes cartes, et je le regarde, attentive. Je suis incapable de mentir, mais bon, je n'en ai pas besoin pour cette main. Nous misons tous les deux très gros, malgré quelques réticences. Vingt mille dollars sont peut-être considérés comme de l'argent de poche chez lui, mais je ne partage pas son aisance. Cependant, c'est la meilleure façon de blanchir l'argent de monsieur Jensen et de m'accorder quelques minutes de pause durant ma journée de travail.

Trois cartes sont déposées et je vois apparaître un as de pique, un huit de trèfle et un trois de pique. Une paire d'as n'arrange pas vraiment mes affaires, mais c'est mieux que rien. Je relance de dix mille dollars et je sens que monsieur Davidson devient fébrile. Il caresse nerveusement le pommeau de sa canne, mais me suit et pose ses jetons sur la table. La quatrième carte est un huit de cœur. L'étau se resserre et il ne me reste plus qu'une chance pour espérer un jeu plus fort. La dernière carte que le croupier retourne est un as de cœur. Je fais mine de réfléchir, mais je n'ai aucune hésitation. Il faut que je relance. Je laisse la décision à mon adversaire, qui décide de poser cinquante mille dollars sur le tapis. J'hésite un instant, finalement. Peut-être bluff-t-il, une telle somme ne représente rien pour lui, mais peut-être que sa main est plus forte que la mienne. Après réflexion, il lui faudrait beaucoup de chances pour battre mon full. Je le suis et pose tous les jetons que je possède sur la table. Il me sourit, et retourne ses deux cartes. Deux huit. Ce vieux rusé a un carré, je suis battue. Il récupère la pile de jetons de ses mains fripées et se lève. Il m'adresse un clin d'œil et revient quelques instants plus tard, après être passé à la caisse. Je me lève à mon tour, intriguée. Il dépose une énorme liasse de billets dans ma main et me dit :

— Tu en as plus besoin que moi.

— Monsieur Davidson, je ne peux pas...

— Bien sûr que si, tu peux accepter, et tu vas le faire. Tu es la seule personne ici à qui j'ai envie de faire plaisir.

Je ne sais pas comment réagir, alors je reste immobile. Il pose sa main sur mon épaule avant de s'éloigner. Quand il a totalement disparu de mon champ de vision et que je regarde les billets, je suis incapable de les compter tant il y en a. 

L'infiltrée (FxF)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant