Chapitre 32

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CHAPITRE XXXII

Clara

Le dos contre la porte d'un appartement dans lequel je ne retournerai probablement jamais, je me laisse glisser sur le paillasson, mes jambes sont incapables de soutenir le poids de mon corps. Je sens des gouttes d'eau salée glisser le long de mes joues sans que je parvienne à arrêter leur course. J'ai beau ressasser en boucle notre conversation, je n'arrive pas à comprendre ce qui vient de se passer. Jessy a-t-elle réellement choisi Jensen à ma place ? Je ne peux pas le croire, pourtant si je suis assise sur le palier au lieu d'être blottie dans ses bras, c'est qu'il doit s'agir de la vérité. Du moins, je crois, je pense. Je n'ai plus aucune certitude. Une seule chose est sûre, Jessy vient de m'avouer le secret que j'essayais de percer à jour depuis tout ce temps : Jensen est un meurtrier. Ce n'est pas étonnant qu'il n'ait pas de concurrence dans les environs de San Diego. Réaliser que Jessy cautionne ce genre d'activités, par contre, c'est au-dessus de mes forces. Moi qui pensais avoir à faire à une personne honnête et droite, j'ai été stupide de croire qu'il s'agissait d'une femme exemplaire. Rien que d'y penser, j'en ai la nausée. C'est peut-être une bonne chose qu'elle vienne de rompre avec moi, finalement. Cela m'épargnera une vie de mensonges et de malveillance. Je lève les yeux au ciel. Ne sois pas stupide, Clara, tu es folle amoureuse de cette femme et rien de ce qu'elle a pu faire n'y changera. J'ai passé énormément de temps avec elle, je suis certaine qu'elle n'est pas comme lui. Je n'ai pas couché avec une tueuse assoiffée de sang, mais avec une femme sensible et délicate. Jensen est mauvais, son regard m'a toujours procuré des frissons, mais les yeux de Jessy ont toujours exprimé de la tendresse à mon égard, et ce, bien avant que nous nous embrassions pour la première fois. Il faut que j'arrête d'y penser, me torturer l'esprit ne changera rien à la situation.

Je n'ai pas eu le courage de marcher pour rentrer chez moi. Mes jambes flageolent à chacun de mes pas et me rendre jusqu'à l'arrêt de bus a déjà été compliqué. Je salue Zack brièvement avant d'entrer dans ma chambre. De toute façon, vu l'état de ses pupilles, je doute qu'il ait remarqué ma présence. Allongée sur mon lit, je libère un hurlement salvateur étouffé par l'oreiller posé sur ma bouche. Je reste là, immobile. Chacune de mes pensées me ramène inlassablement à Jessy et à nos moments passés ensemble. Je soupire en me levant. Je vais suivre son conseil. Finalement, plus rien ne me retient à San Diego.

Dans un grand sac de sport floqué au logo de mon université, je range quelques vêtements. L'odeur que dégage le pull gris que je viens de plier me parvient aux narines. Il ne m'appartient pas et le parfum de sa propriétaire est encore présent sur le col. Je soupire de nouveau. Bordel, Jessy sent tellement bon. L'appareil photo que je glisse dans la valise procure le même effet à mon cœur. C'est à croire que tout ce à quoi je tiens provient d'elle. Je m'assois sur le rebord du matelas, épuisée par le flot d'émotions négatives qui m'envahit. Je suis sauvée de mes pensées néfastes lorsque Zack entre sans frapper et me dit :

— Je t'ai entendu crier. Ça va pas ?

Quelle perspicacité, sachant que j'ai dû émettre ce bruit il y a plus de dix minutes.

— Je déménage.

— D'accord.

Il ressort aussi vite qu'il est entré et je pouffe. Je ne suis pas certaine qu'il me manquera, mais il est certain que je regretterai sa façon de me faire rire malgré lui. Je me lève et scrute la chambre que j'occupe depuis quelques mois. Une étrange sensation s'empare de mon estomac et je pose instinctivement la main sur mon ventre. Ce n'est pas cette pièce qui me fait appréhender mon départ, mais plutôt les souvenirs qu'elle m'évoque. Jessy est la seule personne à y être entrée et c'est à cet endroit que nos lèvres... Je frotte mes yeux pour m'empêcher de pleurer et sors en jetant mon baluchon sur mon dos.

L'infiltrée (FxF)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant