Chapitre 22

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CHAPITRE XXII

Clara

J'ai passé les deux derniers jours à pleurer toutes les larmes de mon corps et j'ai la sensation d'être entièrement vidée de toute forme d'eau. Hier, j'ai été obligée de mentir à mes collègues en leur annonçant que j'étais malade, car j'étais incapable de sortir de mon lit. Je ne cesse de visualiser le visage haineux avec lequel Jessy me regardait lorsque je suis revenue chez elle et je n'arrive pas à me sortir cette image de la tête. Il faut dire que la magnifique photo de nous que j'ai en fond d'écran sur mon téléphone ne m'aide pas à me distraire. Malgré tout, il faut bien gagner sa vie et je dois admettre que j'aime beaucoup travailler derrière le bar. C'est un peu comme être journaliste, finalement. Je rencontre des gens, ils me confient des secrets alors que nous ne nous connaissons même pas, et avoir une collègue comme Maddy remonte le moral. Il est vrai que j'appréhende un peu de revoir Jessy. Beaucoup, même. J'espère simplement qu'elle n'aura pas parlé de ma supercherie à monsieur Jensen, ça me ferait de la peine d'être licenciée, et je n'ai pas vraiment besoin d'une source de souffrance supplémentaire, en ce moment. J'ai envie de crier, de hurler, de tout simplement lui dire qu'elle compte plus à mes yeux qu'une carrière dans un journal.

Je suis assise sur un banc en bois, dans les vestiaires du personnel. J'ai enfilé ma tenue de travail et mon service a commencé depuis quelques minutes, mais je suis incapable de bouger. Mes paupières sont lourdes et je suis vidée de toute énergie. Et si, Jessy ne voulait jamais plus me voir ? Et si, ces deux jours sans se parler n'avaient pas suffi à la calmer ? Je comprends sa colère, mais je suis incapable de m'imaginer ici sans qu'elle m'adresse la parole. Même si ça me brisait le cœur, si tant est que ce soit possible de m'infliger une pire douleur, je partirais si elle me le demande. La porte s'ouvre alors que je suis en pleine réflexion et Maddy s'assoit près de moi. Elle ne dit rien, mais la main posée sur ma cuisse suffit à faire couler une larme qu'elle essuie délicatement.

— Jessy et moi, c'est terminé.

— Je suis désolée.

Je la crois, mais ça ne change rien, malheureusement.

— Tu ne peux rien y faire.

— Prends le temps qu'il te faudra et rejoins-moi quand tu seras prête, me dit-elle en se levant.

Elle est vraiment adorable et je la remercie en lui souriant. Je profite de cet instant pour me passer un peu d'eau sur le visage. Il fait vraiment chaud aujourd'hui et j'ai l'impression que la climatisation est moins forte que d'habitude. Je réunis tout mon courage pour quitter cette pièce et inspire profondément à plusieurs reprises en tenant la poignée dans ma main. Il faudra bien que je finisse par sortir, de toute façon. Il faut que je voie Jessy, il faut que j'en aie le cœur net. Me poser toutes ses questions est insupportable, je suis en train de perdre la raison.

Je parcours la grande salle en regardant tout autour de moi, mais Jessy n'est pas là. Le poids dans ma poitrine s'allège quelque peu, même si, retarder l'échéance n'est pas la solution. Je m'installe à mon poste en prenant une seconde pour remercier Maddy de sa gentillesse. Elle me sourit chaleureusement et cette attention me procure le plus grand bien.

À cette heure de la journée, le casino est presque désert, mais ça n'empêche pas les clients réguliers de commencer à boire. Je serai toujours étonnée par monsieur Still, par exemple. Chaque matin, il attend devant la porte que le contrôleur aux entrées lui ouvre et, avant de s'installer à la table de poker, il commande un whisky. Aujourd'hui ne fait pas exception, je lui prépare son verre. Je n'ai pas besoin de réfléchir, je sais quelle marque il préfère et qu'il faut y ajouter deux glaçons. Je m'apprête à poser le verre sur le comptoir, mais Jessy entre dans mon champ de vision et je suis incapable d'effectuer le moindre geste. Sa démarche est pleine d'assurance, comme d'habitude. Elle a l'air prête à conquérir le monde. C'est incroyable comme cette chemise l'embellit, non pas qu'elle ait besoin d'un morceau de tissu noir pour ça. Je la regarde, mais elle m'ignore totalement. Elle n'a même pas daigné poser les yeux sur moi. Je crois que j'ai la réponse à ma question. Je sens mes larmes faire de nouveau leur apparition sous mes yeux et j'encaisse rapidement monsieur Still avant d'avertir Maddy que je dois prendre congé. Elle ne me pose aucune question, elle a assisté à la même scène que moi, elle sait ce que je ressens.

L'infiltrée (FxF)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant