LE SECRET D'EREBOR

Chapitre 4: Devant le roi

Le roi Thròr siégeait, comme à son habitude à cette heure, sur son trône pour les séances de doléances. Au-dessus de lui, l'Arkenstone, le coeur de la montagne, la pierre des rois, brillait de sa lueur qui n'appartient qu'à elle.

Pas de doute, le roi des nains n'avait rien à envier aux grands seigneurs de la terre du milieu, mis à part ce regard lointain et vide de toutes étincelles qu'il avait adopté depuis quelque temps. Il y avait aussi ce mutisme dont il s'enfermait régulièrement, ce qui parachevait d'en faire un roi de plus en plus singulier.

Son fils Thràin présidait d'ailleurs les scéances de doléances de plus en plus souvent, aidé de son fils Thorin. Néanmoins ce jour-là, quand Balin, Dwalin et Inwë pénétrèrent dans la salle du trône, c'était le roi Thròr qui conversait avec un hôte de marque.

Pour la première fois depuis longtemps, son esprit avait l'air alerte, en pleine possession de ses facultés, mais il était de fort méchante humeur. À ses côtés, ses conseillers, son fils ainsi que son petit-fils n'osaient parler. Ils savaient tous qu'un mot plus haut que l'autre pouvait déchainer une tempête de colère de la part du roi dans ces moments-là.

Balin compris immédiatement ce qui mettait Thròr de si mauvaise humeur et ce qui l'avait sorti de son silence. En effet l'hôte de marque n'était autre que le roi Thranduil, ce qui mit Inwë en grande joie, ravi de revoir ce roi qu'elle mettait, selon elle, au-dessus de tous les autres rois de la terre du milieu. Il était debout devant le trône, entouré de sa garde personnel et, pour la énième fois, mettait en garde le roi des nains à posséder un trésor aussi immense.

-"Parler du trésor d'Erebor est encore la seule chose qui anime notre roi." pensa tristement Balin. Il se pencha vers sa fille et lui chuchota:

-"Surtout laisse ton oncle parler! Ne me fait pas honte une fois de plus!"

Inwë regarda son père et ne dit mot. Après tout, elle n'avait pas spécialement envie de converser avec ces gratte-papier, obéir à son père ne pouvait donc que l'arranger pour aujourd'hui...

-" Ce trésor causera votre perte Thròr!" disait calmement Thranduil. -"Il attire déjà des personnes peu recommandables. Ne voyez vous pas que la ville de Dale, deviens un repère de brigands un peu plus chaque jour?"

-"Et depuis quand le sort de la ville de Dale et de ses occupants intéressent le roi des Elfes?" rétorqua le roi.

-"En effet, ils ne m'intéressent pas!" admit Thranduil. -" Mais votre trésor attire la vermine jusque dans mon royaume et cela, je ne saurais le tolérer. Et il y a pire, ne savez-vous pas qu'une aussi grande quantité d'or risquerait d'attirer les grands dragons du Nord qui sentent les trésors à mille lieues à la ronde? Assurément, votre désir de richesse vous expose à de grands dangers, et entrainera la ruine d'Erebor, je peux vous l'assurer!"

-"Baliverne! Les dragons du Nord sont mort depuis des siècles!" coupa Thròr. - "Admettez plutôt que me séparer d'une partie de mon trésor représente pour vous une belle occasion de récupérer les gemmes blanches que vous convoitez tant!"

Balin observait la scène. Il vit clairement que cette remarque assassine avait piqué au vif le roi des Elfes. Son esprit, rompu à des années de diplomatie, lui sommait de clore cette conversation. Les relations entre Elfes et nains étaient de plus en plus difficiles et une phrase de plus aurait achevé de piétiner cette relation si fragile qui existait encore à l'époque entre les deux peuples.

C'est donc le moment qu'il choisit pour s'avancer vers le trône et présenter ses respects. La maladie qui rongeait Thròr l'empêchait de tenir une conversation importante très longtemps. Son visage passa donc de la colère noire envers le roi Thranduil à un large sourire et un regard bienveillant envers Balin. Il lui lança un tonitruant:

- "Balin! Mon cher conseiller, quelles nouvelles m'apportez-vous?"

-"Hélas, Votre Majesté, des nouvelles bien inquiétantes." bredouilla Balin et, par mesure diplomatique envers le roi Thranduil, il ajouta: -" La présence du grand roi des Elfes en ce jour est d'ailleurs, des plus heureuses, car ces évènements pourraient vous concerner vous aussi! Ma fille et mon frère reviennent juste du royaume de la Moria, et ce qu'il s'y passe est particulièrement alarmant!"

Dwalin s'avança vers le trône et expliqua brièvement ce qu'ils avaient vu. Pendant qu'ils parlaient, Inwë s'avança elle aussi et posa au pied du trône la tête de l'Orc et la hache en fer noir, au grand dégoùt des conseillers du roi. Thorin examina cette étrange naine habillée comme un guerrier.

Il fouilla dans sa mémoire et se souvint vaguement de cette étrange créature qui suivait partout son maître d'armes lors de ses séances d'entrainement au combat, et que Dwalin lui avait présenté en riant comme étant "son compagnon de guerre" la première fois qu'il l'avait rencontré . "Décidément la nièce de Dwalin a bien grandi...et pas en bien!" pensa-t-il cynique en voyant sa tenue salie par le sang et la boue.

Le roi Thròr n'écoutait déjà plus, il avait repris la posture d'un vieillard perdu dans ses pensées, et maugréait de temps à autre des mots incompréhensibles. Ce fût Thràin qui prit la parole:

-"Effectivement cette nouvelle est fâcheuse, maître d'armes! Fort heureusement la Moria n'est pas non plus la porte à côté, et plus personne n'y vit. Si un petit groupe d'Orcs équipé de mauvaises haches décident de faire de ces vieilles ruines leurs résidences secondaires, quelle importance! " Ce bon mot fît rirent quelques conseillers.

-" Je pense sire", reprit Dwalin, "que la situation mérite qu'on s'y attarde bien au contraire! Comme vous venez de le dire, ils sont pour le moment en petit nombre, mais vous connaissez les Orcs, en un instant ils peuvent passer de petit nombre à grande légion s'ils décident de s'associer aux gobelins. Et le fait qu'ils se soient déjà associer aux Wargs ne me dit rien qui vaillent! Je suis d'avis pour que nous levions une armée et que nous les éradiquions le plus vite possible!"

-"Avez-vous perdu la tête, maître Dwalin? Dépenser une somme colossale pour lever et équiper une armée entière dans le but d'éradiquer une poignée d'Orcs retranchée dans une montagne en ruine? Vous perdez la raison mon ami! ".

Les rires redoublèrent. Déjà les railleries fusaient de la part de certains conseillers. Mais ces rires n'allèrent pas durer longtemps.