LE SECRET D'EREBOR

Segment sans titre 16: Le trésor d'Erebor

Enfin seule, Inwë s'adossa à la balustrade et respira longuement l'air qu'offrait la brise. Le soleil se couchait et le tableau qu'il offrait était propice au calme et à la détente. En contrebas elle pouvait voir Grand-Plaine, et sa verdure dansant au gré du vent du soir. Ce spectacle valait pour elle largement mieux qu'une centaine de Nains enrubannés dans une salle dorée.

La voix de Thorin se fit entendre derrière elle:

-"Entre moi qui ne te reconnais pas et mon père qui te manque de respect, je vais décidément passer ma soirée à m'excuser auprès de toi!"

Inwë prit plaisir à entendre la voix du prince, et se retourna en esquissant un sourire. Thorin se rapprocha d'elle et se risqua à un compliment: -"Tu es très belle!"

Cela avait été dit très vite, comme un secret qu'on n'ose avouer.

Inwë ne réagit pas. Elle n'avait jamais su entendre les galanteries. Elle ne savait pas non plus les tourner. Elle se contenta de continuer d'observer le coucher de soleil devant elle.

-"Peut-être préfères-tu que nous restions silencieux." ajouta-t-il.

Elle ne le voulait pas non plus.

-"Tu es le petit-fils de notre grand roi, et pourtant de toute cette cour, C'est toi qui es habillé le plus sobrement. Où sont tes pierreries?"

-" Je n'ai nul besoin de montrer ce qui m'ait déja acquis." dit Thorin. "Quel intérêt d'étaler une richesse que tout le monde connaît?"

Il avait pris un air suffisant en disant cela. Cette petite vanité ne choqua Inwë.

Thorin reprit:

-"S'il te plaît, reviens et viens t'assoir près de moi. Si mon père ne te veux pas à sa table, je ferais installer une autre table, et nous y mangerons à la vue de tous. Juste toi et moi."

-"Merci, mais non Thorin! Si je suis venue, c'est pour toi, parce que tu me la demandé. Mais à présent je n'ai plus faim. Je n'ai pas ma place à ce banquet! Mon oncle Dwalin y aurait fait meilleur figure."

Thorin fut ravi d'entendre de la bouche d'Inwë que sa présence n'était motivée que par lui.

-"Tu as plus ta place ici que tous ces pantins. N'oublis ni ton rang ni ta lignée!" Il jeta un regard dans la salle: -"D'ailleurs je vois que les cousins de ton père, Òin et Glòin viennent d'arrivés. Quand ces deux-là sont à un banquet, tu peux être sûr que cela va vite dégénérer. Mon père en oubliera jusqu'à ta présence! Viens je t'en prie."

Inwë ne put s'empêcher de rire:

-" Je connais assez Òin et Glòin pour avoir la certitude que cette soirée va finir en une immonde orgie à présent qu'ils sont là. Plutôt mourir que d'y rentrer à nouveau!"

-"Alors suis-moi!" lui dit Thorin. Et sur ces mots, il lui prit la main et l'entraina en dehors de la salle de banquet.

Avant de partir, Inwë jeta un dernier regard à la réception et vit avec plaisir que Balin tenait sa promesse et qu'il s'amusait. En effet, son respectable père, était fort occupé à flirter avec la fille du grand comptable qui semblait peu farouche face aux avances du conseiller royal. Elle s'en amusa beaucoup et se dit que décidément, cette Dolgena faisait feu de tout bois...

**********

Inwë pénétrait rarement dans les salles basses où reposait l'or de la montagne. Quand Thorin l'y emmena, elle ne put s'empêcher de marquer un léger recul quand elle vit ce trésor colossal. Thorin avait gardé sa main dans celle d'Inwë, et sentit bien sa réaction devant toute cette fortune.

Il la fixa, le regard inquiet, et lui dit:

-" Ne pose ni tes yeux ni ton coeur sur le trésor d'Erebor. Quand je vois ce qu'il fait à mon grand-père, je me demande s'il ne relève pas plus de la malédiction que de la louange."

-" Je reste partagé face à ce trésor, Thorin. Une partie de moi est fière qu'il appartienne à mon peuple. Mais une autre partie ne comprend pas l'intérêt d'avoir une telle fortune s'il n'est partagé avec personne."

Elle se tut après cette remarque, croyant qu'un mot de plus pourrait vexer le prince quant à l'éventuelle cupidité des descendants de Dàin. Mais la réponse de Thorin la soulagea.

-"Tes paroles sont assez sage. Moi aussi je me pose la même question depuis quelques temps."

Ils traversèrent rapidement les salles basses, et allèrent plus profonds dans la montagne, jusqu'au très renommés forges d'Erebor. À cette heure de la soirée, les wagonnets suspendus et les chariots sur rails ne fonctionnaient plus. Plus personne ne travaillait, hormis quelques "souffleurs" qui devaient veiller que les forges ne s'éteignent pas durant la nuit.

Inwë observa Thorin et vit dans ses yeux une lueur qu'elle ne connaissait pas.

-"Je te sens détendu dans cet endroit." lui dit-elle.

Thorin sourit:

-"J'ai passé toute mon enfance dans les forges d'Erebor. Aucun recoin, aucune cachette n'a de secret pour moi en ce lieu. J'y ai même appris le métier de forgeron, en secret de mon père. Je m'y sens en paix. N'as-tu jamais eu d'endroit où tu te sentes sereine?"

-"Je suis bien dans le logis de mon père."

-"Mais tu en parles comme du logis de 'ton père',"nota-il. " Les forges d'Erebor m'appartiennent, elles sont mon royaume, que je ne partage ni avec mon père ni avec mon grand-père. N'as tu jamais eu un endroit où tu te sentais chez toi?"

Elle réfléchis un instant

- "J'aimais Mirkwood. On pourrait même dire que je m'y sentais comme chez moi. Mais à présent c'est différent. Depuis les propos du roi Thranduil, je me rend compte que les Nains sont tout juste tolérés dans sa forêt, et non les bienvenus."

Elle avait parlé avec tristesse, et Thorin en fut peiné pour elle.

-" Laisse-moi partager mon domaine avec toi Inwë. J'aimerais te montrer un lieu plus particulièrement. Mais il faudra faire preuve de discrétion."

Ils traversèrent les forges à pas de loup, et se retrouvèrent à l'endroit où sont forgées les armes."

-"Choisit une épée", lui chuchota-t-il. -"Considère ceci comme un cadeau de ma part!"

-" Cadeau ou vol?" dit-elle, amusée.

Mais elle n'écouta pas la réponse de Thorin, car son coeur et son regard avait pris le pas sur ses réflexions.

Les yeux d'Inwë brillaient dans ce lieu. Voilà un endroit qui avait, pour elle, plus de valeurs que l'or des salles basses. Voilà un langage qu'elle connaissait, celui des lames et du fer forgé.

Elle contempla longuement ces épées qu'elle trouvait plus belles les unes que les autres. Ses yeux se posèrent sur une lame droite. Elle s'en saisit aussitôt.

-"Pourquoi celle-ci?" dit Thorin, étonné.-" Mise à part les quelques runes gravées sur la garde et le pommeau, elle est on ne peut plus simple."

-" Son décor m'importe peu. Regarde-là, elle est légère, malléable. Elle ne gênera pas les mouvements. Et la forme de la lame est bien réfléchit. On dirait une pointe de flèche. Elle pourrait faire un maximum de dégât en un minimum d'effort. Elle est merveilleuse!"

-" Tu n'as mis que quelques secondes à voir le potentiel de cette lame. Considère que désormais elle t'appartient, fille de Balin."