Maelediction

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– Aëk untŕâ solõ mëlidåcqūa, urphæ Aktřiâ ýenu vêr.

Sur ces mots solennellement prononcés, débute notre procès. D'aucuns sont certainement désemparés, qui n'ont pas même pris le temps de lire mon poème. Grand mal vous en fasse, je ne vous ferai pas de résumé, vous snoberai d'une égale manière ! Quant à ceux qui n'y ont rien compris, que voulez-vous que j'y fasse ? Je suis déjà suffisamment dans la panade pour ne pas avoir à m'embarrasser d'une tâche vaine et chronophage.

– Cela est si grisant d'être de nouveau pourvu de sensations, commente notre fantôme, enchaîné comme nous à la veine de dymérite.
– Génial, si on survit, cette information sera peut-être celle de l'année ! Pour l'instant...
– Et si on se focalisait sur ce qui va nous arriver, leur murmurè-je.
– Judicieuse suggestion, Aëmys, me répond alors une voix que trop connue.
– Pas toi !

Soudain, le rideau tombe. Mon visage se décompose, ma gorge se noue, tandis que se glace mon sang. Non, non, ce n'est pas possible. Quelle malédiction. Non, je n'y crois pas et m'y refuse. Mais pourquoi ? Horreur et damnation !

Qui est-ce donc ? Non, pardonnez ma discrétion, mais cette révélation devra attendre. Non que je sois désireux de ménager le suspense – encore que – mais l'affaire est si grave que je préfère temporiser un instant. Soyez indulgents, je l'ai été pour plus que ça. En attendant, le quintile des questions que vous devriez me poser. Un peu de banalité ne nous tuera pas, au point où nous en sommes...

Où, alors ? Oh, que de surprise ! Ma vie peut décemment m'échapper, vous avez retenu une de mes leçons. Le dernier bonheur d'un condamné... Mais cela ne répond pas à votre interrogation, au temps pour moi. Sachez donc que c'est dans les abysses d'une antique mine que votre serviteur et ses acolytes se terrent. Ligotés comme il se doit, cela va sans dire, à une stalagmite de dymérite. Seule source de lumière dans la noirceur environnante, l'éclat neutre qui s'en dégage nous nargue de détenir entre ses minéraux la clé de notre avenir. De rubis ou de saphir, quelle teinte choisir ? La mort et son contraire enfermés dans un caillou. Nous entourant, un rempart de roches naturel, s'ouvrant sur un podium où siège... Encore trop tôt, désolé.

Quand, maintenant ? La concision s'impose, les deux jours réglementaires sont partis, tel que prédit.

Quoi ? Notre procès, pardi, pas moins que ça !

Comment, subséquemment ? Des gardes sont venus, épatés de constater l'amélioration de notre cadre de vie, mais néanmoins sommés de nous en congédier. S'en est suivie une longue et désagréable pérégrination dans le dédale des rues bondées de Duraz-Ěrit. Imaginez vous le cortège funèbre d'un monarque honni, celui réservé au Parjure par exemple. La foule était en liesse, nous injuriait, se pressait pour voir les malheureux élus de l'Aktřiâ. Pas l'ombre d'un doute quant au verdict ne subsistait dans leurs têtes de pioche. Fort opportunément, une cohorte de leurs semblables nous protégeait le long du parcours, jusqu'à notre entrée dans la mine. Notre procession n'en était pas moins terminée, se poursuivant d'interminables minutes encore dans le vaste et sombre corridor. Enfin, notre chemin de croix s'acheva, nous menant dans les tréfonds les plus bas.

Sapristi, nous en sommes déjà au qui ? Hélas, je ne peux vous refuser ce savoir plus longtemps, mais prenez conscience qu'il m'en coûte ! Sont ainsi réunis Aector, Sir Allan, votre barde préféré, mais également un nain tout de noir drapé et cette peste... d'Aelenor ! Oui, parfaitement, que fait-elle ici ? Eh bien, notez que je n'en sais fichtre rien, mais que cela chamboule tous mes plans. Pourquoi donc ? Vous arrive-t-il seulement d'user de vos méninges ? Notre stratégie visait à convaincre les nains de notre repenti, et non une elfe du mal fondé de son ire.

Mais quelle est donc cette sensation ? Je sens un engourdissement s'emparer de mes doigts, une fuite de sensation dans mes membres et l'impression que mon corps m'abandonne inexorablement. Un sursaut de lucidité me fait réaliser que l'aktoř produit son effet. Après ça, la dégringolade...

La Compagnie d'AectorOù les histoires vivent. Découvrez maintenant