Le chérubin

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Oh, qu'est-ce que j'entends ? Serait-ce le mot... orc ? Et oui, telle était la solution, mais ne vous méprenez pas, vous ne l'entendrez pas. Pourquoi donc ? Mes loustics, vous pensiez réellement que j'allais trahir notre destination. Ce que vous êtes dupes ! Les faire mariner et tourner en bourrique, certes, c'était particulièrement drôle et satisfaisant. Mais prendre le risque qu'ils nous tombent dessus, vous surestimez mon envie de jouer. J'ai préféré les conduire là où nous ne sommes pas. Habile, n'est-ce pas ? Un petit brouillon abandonné sur le chemin, un casse-tête et la récompense de nous alpaguer, la tentation était sans doute trop forte pour qu'ils n'y résistent...

Bon, mais au fait, qu'advient-il de cette énigme ? Êtes-vous parvenus à la résoudre au moins ? Non pas que je ne vous fais pas confiance – un peu de ça quand même – mais laissez-moi vous éclairer. Je m'en voudrais de vous avoir perdus et que vous loupiez la fin du chemin.

Au premier carrefour, c'était à gauche qu'il fallait tourner. Pourquoi cela ? La roue du temps indique trois heures à droite et neuf à gauche. Rien de plus simple, mais je vous avais prévenu. Arrive ensuite ce cours d'eau à traverser. Qu'avez-vous choisi ? La pierre, le bois ou... l'eau ? Sapristi, c'était donc là que ce gredin d'Aëmys voulait en venir ? Pardi oui, le passage à gué était le seul choix judicieux. Vient alors l'énigme des arbres et ce curieux nombre pair. L'affaire est résolue, ils se sont séparés d'un des leurs, me chantez-vous ? Et si je vous disais que c'était une erreur, qu'ils auraient pu tous les trois s'engouffrer dans la forêt, j'imagine que vous ne me croiriez pas. Vous aussi donc ne comptez pas les chevaux ? Ah... Et la lumière fut ! Encore fallait-il se diriger vers ses jeunes rayons. Le soleil se lève à l'est pour se coucher à l'ouest, oui nous sommes d'accord sur ce point. C'est donc à droite que vous avez migré ? Ne vous ai-je point dit que ce lieu était déréglé ? C'est à gauche que se trouvait le bon sentier. Car si le soleil et la lune sont amants, notre bel astre se couche en même temps que sa dulcinée et se lève lorsqu'il aurait dû s'assoupir. Pour conclure, cette devinette à propos du mot orc. En Or, la Cité grouillait d'hommes, mais reconquise, ce sont ces êtres puants qui la colonisent. En revanche, crier leurs noms, à proximité d'un de leurs camps, n'est sans doute pas le conseil le plus avisé que je leur ai donné. Oups... Heureusement que nous nous sommes, vous et moi, arrêtés aux ruines supposément négligés.

Oui, je sais, ce n'était pas le plan, mais croyez-vous que je contrôle tout ? Pour sûr, non, depuis que cette Majora nous a rejoint, j'ai l'impression de ne plus avoir la mainmise. C'est elle qui a décidé de séjourner ici, dans ce refuge au cœur de la forêt. Force est de reconnaître, au-delà de tout chauvinisme, que c'est loin d'être une mauvaise idée. Après cette éreintante course-poursuite dont nous étions les lièvres, s'affaler dans un lit douillet avait quelque-chose de génial. Inutile de vous le cacher, j'ai roupillé plus que de raison sans davantage penser à vous. Hm, quelle délicieuse sensation ! Promis, cela ne durera que le temps strictement nécessaire, alors ayez l'amabilité de nous accorder ce fugace instant de repos. Un chapitre, voilà tout ce qui vous sera facturé avant d'enchaîner à nouveau et d'écrire plus encore l'histoire !

– J'pourrais m'installer ici ! s'exclame Fìnael, rafistolée, tandis que notre quatuor descend les marches vers la salle principale.
– Pour notre retraite, lorsque tout aura été accompli, pourquoi pas, répliquè-je. Mais pour l'heure, ce ne sera qu'une ou deux journées maxi...
– Maxi... ? reprend notre guide masquée, son timbre métallique un brin moqueur. Auriez-vous perdu le fil ou est-ce tout bonnement la vue de cette assemblée qui vous coupe le souffle ?

Les yeux écarquillés, je reste sans voix face à ce spectacle. Mais où ai-je atterri ? Quel est donc ce lieu capable d'accueillir un tel échantillon de spécimens plus exotiques les uns que les autres ? Moi qui croyais avoir eu ma dose d'espèces singulières, je vous le dis, le choc est rude. N'est-ce pas là une dryade qui se trimballe nue comme un vers, tout en affichant ses vertes courbes négligemment dissimulée sous un pagne de feuilles et cheveux ondulés ? Et là, deux farfadets autour d'un bol de crème au comptoir ? Ils sembleraient drôles, dans leurs oripeaux fripés et affublés de leur chapeaux pointus, s'ils n'étaient complètement étrangers à mon quotidien. À côté, se tient avachie une naine – forte et barbue, à l'instar de tous ses congénères – qui se chamaille avec une femme-louve. Quel est le propos ? Sérieusement, c'est cela qui vous turlupine, lorsque son pelage noir et duveteux me heurte la rétine ? Que penser, alors, de cette autre créature, laquelle porte sur nous un regard de rapace ? Serez-vous étonnés de la savoir cernée d'imposantes ailes d'aigle, qu'elle arbore telles un ensemble de vêtements ?

La Compagnie d'AectorOù les histoires vivent. Découvrez maintenant