Les masques tombent

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Le concert est terminé. Sa nébuleuse enchanteresse avec. Seule la mesure de nos pas réguliers donnent la cadence. Il n'y a toutefois plus personne pour la suivre, tant les évènements nous ont chamboulés. Vous voulez une nouvelle certitude ? C'est que le chevalier de Montourail n'est plus. D'une certaine manière, il a assouvi là son plus cher désir, rejoindre les siens et quitter son enveloppe spectrale. Comment ? Je ne suis pas expert, mais je dirais que d'avoir sauvé un nain a sans doute pesé dans la balance. Quoi qu'il en soit, il n'est plus de la bande. Je ne peux que me réjouir pour lui, mais sa disparition est pour nous comme un coup de massue, tant elle est arrivée brutalement. Surtout, elle survient au pire des moments. Parce que son expérience et son recul vont cruellement nous faire défaut. Parce que sa présence silencieuse nous rassurait. Parce qu'il était devenu un ami. Parce qu'après la défection d'Aector, nous n'étions pas prêts à le voir, à son tour, nous quitter...

Bref, il nous faut continuer, vous avez bien raison. D'autant que, face à nous, se dresse l'objet de nos pérégrinations, le Palais Noir. À quoi peut bien ressembler une telle structure, hein ? Un frustre château vous décevrait, à l'instar d'un fastueux manoir. Je ne peux décemment pas non plus vous présenter un banal donjon, vous ne seriez pas satisfaits, j'en conviens. Alors quoi ? N'ai-je pas évoqué avec vous l'identité de ses concepteurs ? Les nains. Voici bien un indice susceptible de vous aiguiller. Cet édifice, massif et sombre, n'est autre qu'un prolongement de la roche qui court sous nos pieds. Montant vers le ciel, cet éperon taillé à même la pierre de cet à-pic n'est pas à proprement parler une construction, mais pas davantage une saillie naturelle. Ce serait plutôt la somme des deux, lorsque d'habiles artisans parviennent à rendre naturel ce qu'ils ont eux-mêmes créé, tout en réarrangeant selon leur bon vouloir ce qui ne l'a pas été. Finalement, s'érige devant vos yeux ébahis un palace aux murs rocailleux et à la façade irrégulière, lequel se termine plus en hauteur sur une tour escarpée culminant sur l'ensemble d'Orquéra.

– L'un des joyaux de ma race, ne peut s'empêcher de commenter Yoruk.

J'acquiesce, comme mes camarades. L'architecture est indéniablement grandiose, cela ne suffit toutefois pas à nous ôter la gueule de bois. Le moment est trop important pour que nous nous attardions, aussi nous engouffrons-nous à l'intérieur de ce gigantesque bâtiment. Derrière, nos poursuivants ne semblent pas encore remis de la dernière déflagration, car personne ne nous talonne. Il serait crétin de s'en plaindre, n'est-ce pas ?

Les portes granitiques passées, notre quatuor prend place dans un vaste hall. Je vous le décrirais bien, vous parlant des deux escaliers qui le bordent jusqu'au balcon qui le surplombe, vous détaillant la statue massive d'un orc en son centre ou encore ses murs étonnamment clairs. Oui, je le ferais, si d'aventure j'en avais le temps, car à peine nous entrons qu'un comité se jette sur nous. C'est rapidement la cohue, mes trois comparses donnant de l'acier tandis que je tente de ne pas me faire éventrer. Profitant de la confusion, un homme me prend à parti et s'avère à deux doigts de me planter, lorsqu'un vase rudimentaire – objet de décoration barbare – lui fracasse le crâne.

– Merci, Fìn !
– De rien, le scrib', sourit-elle, alors qu'une partie de nos adversaires s'enfuit, laissant l'autre giser à même le sol.
– Ne restons pas là, il risque d'en arriver d'autres, suggère le neveu du roi Badrian.
– Vous avez raison, mais ne fonçons pas tête baissée, alerte Majora. Le palais est trop grand pour qu'on ne débusque Aector ou le roi par hasard. Je vous propose de nous scinder en deux pour couvrir une plus grande superficie. Fìnael et Yoruk, prenez par ce corridor à droite. Aëmys et moi, on voit ce qu'il y a en haut.
– Ça a du sens, notè-je.
– Évidemment, mais soyez vigilants et gardez en mémoire les derniers mots de Sir Allan. Votre ami, Aector, n'est plus celui qu'il était au début de cette aventure. Essayez de dénicher son épouse avant lui, c'est elle qui nous indiquera comment son mari se comportera. Quoi qu'il en soit, méfiez vous de lui autant que du roi.
– Fort bien, gente magicienne, nous ferons comme vous dîtes, valide Yoruk.

La Compagnie d'AectorOù les histoires vivent. Découvrez maintenant