Derniers préparatifs

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Le tam-tam du tambour tonne à l'unisson de nos pas. Dire que nous n'avons pas chômé serait un euphémisme, tant nous nous sommes approchés de notre destination. La Cité Noire enlaidit désormais notre vue, à seulement quelques lieues d'ici. Ah, mais qu'est-ce qui m'a pris de me lancer dans pareille aventure, hein ? C'était stupide, admettez-le. Et... et ce n'est que maintenant que vous le reconnaissez ? Vous auriez pu me retenir, m'empêcher d'employer toute mon énergie dans cette folie furieuse ! Au lieu de quoi, vous profitez du spectacle, regardant d'un air distrait et malgré tout critique notre bande. Qu'allons-nous entreprendre désormais ? Vagabonder un instant pour mieux nous ressourcer ou, au contraire, jeter nos dernières forces vers cet obscur à-pic qui se dresse face à nous ? Hm, cela vous intrigue. Ou peut-être songez-vous déjà au prochain bouquin que vous aimeriez dévorer ? Bah, ne vous inquiétez pas, tout cela aura bientôt une fin. Heureuse, malheureuse ou inachevée ? Je ne suis pas devin. En revanche, je sais compter et je n'ai là plus que quelques dizaines de pages pour tout boucler. Alors, souriez, cet insipide roman à l'eau de rose que vous convoitez avec tant d'ardeur ne tardera plus à se glisser entre vos mains. Au risque de tout gâcher, oui, ces deux-là finiront bien ensemble. Et moi, eh bien, je suis toujours sans nouvelles d'Aelenor...

- On s'est pointés ici, d'acc, mais c'est quoi l'plan maint'nant ? intervient, à votre profit, notre elfe noire.
- Aëmys, arrête-moi si tu envisages autre chose, mais je crois venu le temps de tuer un roi, m'interroge Aector.
- En effet, acquiescè-je.
- Quelle mouche vous a piqués, tous les deux ? s'étonne Yoruk. Nous lambinons depuis des semaines et voilà qu'on fonce tête baissée dans la gueule du loup. Oui-da, sans une juste préparation, c'est suicide ce que vous nous proposez.
- Allons, maître nain, vous vous emballez, s'immisce cette fois Majora. Toute quête a une fin et il serait inopportun de retarder celle-ci.
- Et pourquoi ?
- Parce que notre ennemi est affaibli, sonné. Il pensait vous mettre la main dessus, au lieu de quoi vous vous êtes échappés, et en foutant une belle pagaille. Mais retarder l'échéance ne le rendrait que plus fort, tandis que notre compagnie s'émousse à chaque minute qui s'écoule. Il n'y a plus rien que nous puissions faire pour être mieux préparés, si ce n'est mettre en place notre stratégie et l'appliquer scrupuleusement.
- Eh ben, Aëmys, je ne sais pas où tu nous l'as dégotée celle-là, mais j'aime sa façon de penser, s'enthousiasme notre meneur.
- Oui, cela me fait penser qu'on ignore encore ce qui vous motive, la pointè-je malgré tout.

En effet, j'ai bien conscience que je lui dois des excuses. Finalement, elle ne nous a pas trahis. Je reste toutefois convaincu qu'elle aurait pu le faire ! Ma méfiance n'était pas exagérée, désolé. Et qu'est-ce qu'elle fait encore avec nous, hein, vous pouvez me le dire ? Ce n'est pas de ma faute, j'ai du mal avec les gens qui œuvrent par pur altruisme. Enfin, écoutons ce qu'elle a à répondre après tout...

- Oh, vous revenez là-dessus, semble-t-elle s'agacer au travers de ses accents métalliques. Mes aspirations sont les vôtres, et vous sont tout à la fois inconnues. Il faudra vous y faire, je resterai un mystère à vos yeux. En revanche, je vous assure d'une chose, c'est que vous n'avez rien à craindre de moi. Les affaires humaines m'indiffèrent quelque peu. C'est plutôt le destin des individus que j'affriole et qui me pousse à vous suivre. Et tant pis, si cela vous paraît totalement abscons, je ne vous dois rien, lorsque je peux grandement vous apporter.

Un long silence s'ensuit, tandis que nous nous dévisageons les uns les autres. Qui prononcera la première parole ? Sera-t-elle nimbée de tolérance ou, au contraire, accompagnera-t-elle la perte d'un nouvel acolyte ? Au fond, nous le savons, nous nous plierons à cet avis, quel qu'il soit. Mais qui aura ce courage ?

- C'est bon, les gars, nous surprend alors Fìnael. Elle est des nôtres. On s'en cogne d'ses motivations. C'qui compte, c'est l'camp qu'elle a choisi. Vous m'avez bien acceptée, moi. Pourtant, j'suis, et de loin, la plus inutile de c'te bande. On lui doit de s'être réunis. J'dis qu'elle nous accompagne.
- Oui-da, je partage cet opinion ! approuve Yoruk, sans aucune surprise. Et tu as tout autant ta place que chacun d'entre nous !
- Ma foi, l'affaire est entendue, accepte à son tour Aector. Cela te convient-il, le gringal' ?
- Évidemment ! acquiescè-je. Même s'il me sera compliqué d'expliquer à mes lecteurs ce manque de clairvoyance. Bah, peu leur importe, tant que je leur livre un épilogue digne de ce nom. Et maintenant, que diriez-vous de réfléchir à notre plan ?

La Compagnie d'AectorOù les histoires vivent. Découvrez maintenant