Ça y est, j'ai pris ce carnet à ce crétin de barde. Pour l'avoir feuilleté, c'est un ramassis de babillages et stupidités. Pas étonnant de la part d'un homme, après tout. Il a en revanche l'intérêt de retracer notre progression depuis mon arrivée et je compte bien l'entretenir jusqu'à ce que je sois sacré. Après cela, je nommerai un de mes sbires écrivain du roi. Pas Aëmys, cela va de soi, il ne sera plus de ce monde.
À ceux qui liront un jour ce journal, je vous préviens d'avance. Il n'y aura plus ni grandiloquence, ni caresse dans le sens du poil. Seuls les faits comptent. Je n'ai pourtant eu de cesse de leur répéter, mais ils n'ont pas daigné m'écouter. Rien de tout cela ne serait arrivé, s'ils ne m'avaient pas ignoré. Cela leur apprendra à me traiter de la sorte.
Quel est donc mon plan ? Rien de très compliqué, mais il fallait avoir le courage de l'oser. J'ai fait parvenir une missive au roi humain, le prévenant de la capture de son rival. Je n'ai désormais plus qu'à attendre qu'il vienne ici pour le récupérer, lui et tous les autres de la bande. Seul Aëmys me restera, car je lui réserve un traitement spécial, à la hauteur de son irrespect envers moi. Tenterai-je quelque-chose contre le monarque de la Cité d'Or ? Ce n'est pas écarté, selon son attitude envers moi. Je ne tolérerai plus d'être rabaissé. J'en fais aujourd'hui le serment, couché sur le papier, que je ne me laisserai plus...
Pardonnez-moi, où en étais-je ? J'ai été interrompu par un de mes gardes. Comment faisait ce gratte-papier ? Il prenait des notes, retenait tout par cœur ? Je comprends maintenant mieux pourquoi il s'arrêtait si souvent. Je vais essayer de vous retracer la conversation que j'ai eue avec Olsÿad :
– Seigneur, m'a-t-il appelé avec la juste révérence due à mon rang. Les êtres de chair et de sang ont bien été chaînés. Que devons-nous faire du spectre ?
– C'est à lui qu'est destinée cette camisole de diméritium que je vous ai faite prendre. Trouvez le moyen de l'y faire rentrer et qu'il n'en sorte plus.
– Selon vos désirs, mon seigneur.J'espère ne pas m'être trompé, mais c'est à quelques mots près ce qui s'est dit. Aux faibles la justesse, je lui préfère le réalisme ! Allons plutôt nous occuper de toute cette affaire et voir comment se portent mes prisonniers. Je ne devrais pas céder à cette tentation, mais les savoir à ma merci est un délice pervers.
Que les enfers les emportent ! Ils regretteront bientôt de m'avoir manqué à ce point de respect ! Je demanderai au roi Mylan de les châtier comme il se doit. En espérant qu'il ne tarde pas trop à arriver, lui aussi. Décidément, la ponctualité n'est certainement pas affaire d'hommes. Nous, les elfes, sommes bien plus respectueux des délais. À vrai dire, nous surpassons en toute chose...
Il est si compliqué de tenir un journal avec régularité. Je suis sans cesse interrompu. Voilà qu'une nouvelle bande de ces oreilles plates est apparue, et pas celle que j'escomptais. Je vais m'entretenir avec leur chef, mais s'ils pensent pouvoir s'attirer les lauriers de la capture de mes compagnons, ils risquent fort d'être déçus !
– Vous devez être Ëlyias, je présume ? s'est avancée cette humaine qui se prétend être leur meneuse.
– Pour vous, ce sera seigneur Ëlyias, l'ai-je justement recadrée, mais vous ne vous trompez pas. Qui êtes-vous ?
– Je suis la comtesse Réva, représentante du duc Philippe, Credas du Royaume Humorc, m'a-t-elle répondu avec une arrogance non feinte. Autrement dit, je n'ai nul respect à vous devoir. Le contraire, en revanche...
– N'y comptez pas, ai-je tout de suite arrêtée cette malotrue. Que puis-je donc faire pour votre suzerain ?
– Nous livrer vos prisonniers sans opposer de résistance. Vous remarquerez que nous sommes bien plus que vous.
– Le nombre ne vaut rien. En temps normal, je dirais qu'un seul de mes elfes vaut bien trois de vos combattants. Vous êtes épuisés, vos hommes peinent à tenir leurs armes et il n'est même pas certain qu'ils aient appris à s'en servir. Tandis que mes guerriers, eux, comptent parmi les plus habiles lames de la sylve. La balance penche en ma faveur.
– Que proposez-vous, alors ? s'est-elle logiquement radoucie. Il n'est pas question de rentrer bredouille, pas après toutes les épreuves que nous avons traversées pour arriver ici. Et j'ai un compte à régler avec Aëmys.
– Vous attendrez votre tour, comme tout le monde. Vous semblez exténuée, couverte de poussière. Prenez donc un bain, il y a une bassine dans la pièce d'à côté. En ce qui concerne nos ambitions respectives, elles ne se chevauchent pas. Peu m'importe qu'un nouveau royaume éclose au sud, tant que celui-ci n'altère en rien ma couronne.
– M'accompagnerez-vous ? J'ai horreur de me baigner seule, s'est-elle alors mise à se déshabiller devant moi.
– Hm, je vois qu'Aëmys n'avait pas exagéré vos formes. Qu'en est-il toutefois du prix à payer ?
– Quel prix ? Nous sommes associés, non ? Et quel mal y-a-t-il à se faire plaisir ?
– Aucun...
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La Compagnie d'Aector
FantasyJe vous salue tous humblement, vils voleurs, voyeurs et autres rebuts de notre royaume étêté. Je vous mets en garde, vous ne devriez pas lire ce journal, celui de votre illustre serviteur, j'ai nommé le grand Aëmys. L'avoir dérobé vous en coûtera la...