Mon altercation avec cet orc mal dégrossi derrière moi, je n'en sors toutefois pas indemne, loin s'en faut. Il est positif de noter que je ne suis pas mort, cela va sans dire. M'enfin, j'ai déjà connu des jours plus radieux. Après m'être évanoui, je me retrouve la peau écorchée, parfois à vif, les côtes douloureuses, mais surtout le bras droit écrabouillé. Pas génial, vous me l'accorderez. Et pour ceux qui se posent la question, je suis ambidextre, une chance !
Je fais néanmoins l'effort de me relever, bien aidé par une Fìnael aux petits soins, tandis que mes deux autres camarades assurent notre sécurité. Précaution superflue, semble-t-il, car l'essentiel de l'attention est ailleurs. Le fracas des combats a cessé. Ne restent que les dépouilles délaissées pour témoigner de la fureur qui s'est abattue quelques instants plus tôt sur ce promontoire. La raison de cette brusque accalmie ? Oh, je crois qu'elle est à chercher au centre de ce cercle que délimite la garde prétorienne.
Sans heurt, nous rejoignons l'espace laissé vide à notre approche. Personne ne s'y oppose. Pour être honnête, ils paraissent se désintéresser complètement de nous. En auraient-ils reçu l'ordre ? C'est bien possible. Bah, quelle importance ? Restons concentrés, l'avenir se joue ici et maintenant !
Vous l'aurez deviné – du moins, je l'espère – au milieu de notre assistance, se tiennent Aector, le roi Mylan et sa conjointe, Adria. L'heure semble enfin venue de régler les comptes. N'auraient-ils pas commencé justement ? Le firmament accueille déjà les échos de l'acier qui s'entrechoque. Outch, ce n'est pas passé loin ! Le Credan a bien failli décapiter son ancien élève, mais celui-ci a évité de justesse la Lame du Nord. Est-il utile de préciser que notre comparse s'avère particulièrement déchaîné ?
– Allons, nous laisseras-tu l'occasion de parler ou... devons-nous nous... contenter de croiser le fer ? questionne le monarque, contraint de dialoguer entre deux tintements de leurs armes.
– Pourquoi ?! Tes mots ont-ils le pouvoir de ramener à la vie le fils que tu m'as ôté ? ponctue Aector d'une frappe. Ou celui que tu as fait fuir en terre orc ? une autre attaque de sa lame. Ou bien ma fille, qui s'est évaporée dans les landes desséchées de ton nouveau royaume ? un troisième assaut toujours aussi puissant. Je ne parlerai pas de mon épouse, car elle est tout aussi complice que toi !
– Vas-tu donc... m'écouter ? insiste son adversaire.
– Assez de ton venin, il s'est suffisamment répandu sur ce pays !Marquant sa colère, il enchaîne sur une série d'estocades plus féroces les unes que les autres. La rencontre des deux épées tonne avec grand fracas dans le ciel, libérant des éclairs qui irradient la pénombre. Jusqu'alors, je ne l'avais jamais vu aussi furieux. J'ai bien du mal à retrouver dans cet animal enragé l'ami que je m'étais fait. Ai-je loupé quelque-chose ? Au fond, réagirais-je ainsi dans sa situation ? Tout à la fois, je le comprends, car l'abîme de sa peine semble sans fin, et le crains, tant me paraît loin ce prétendant que je suis venu quérir.
– Veux-tu de cet homme sur le trône ? commente fort à propos notre elfe sylvestre.
– Il n'est pas dans son état normal, le défendè-je malgré tout.
– Il ne le sera jamais plus. Mon peuple a l'habitude de dire : Touche au nid de l'oiseau, il le reconstruira. Touche à son oisillon, il dépérira. Ton compagnon a franchi un cap dans la souffrance, il n'a plus toute sa tête. Une part de son âme s'est envolée et il ne la retrouvera jamais, quoi que tu fasses. Pour gouverner, il faut de la bienveillance, ce dont il n'est plus pourvu. En sachant cela, tu te rendrais coupable de ses crimes en lui confiant les rênes du royaume...J'ai envie de protester, de prendre une dernière fois son parti, mais les faits parlent pour elle. Aector, le Credan, est mort. Seule son enveloppe et un fragment instable de son psyché nous sont restés. Il n'y a qu'à l'observer se défouler. Il n'est pas plus différent que ces bêtes qu'il s'était fait le serment d'annihiler. Jamais nous n'aurions dû nous séparer. J'aurais ainsi pu l'aider à accepter la mort de son fils et, peut-être, la trahison de sa femme. Ëlyias, lui, s'en moquait comme d'une guigne.
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La Compagnie d'Aector
ФэнтезиJe vous salue tous humblement, vils voleurs, voyeurs et autres rebuts de notre royaume étêté. Je vous mets en garde, vous ne devriez pas lire ce journal, celui de votre illustre serviteur, j'ai nommé le grand Aëmys. L'avoir dérobé vous en coûtera la...