𝟣 | 𝖨𝗅 𝖾́𝗍𝖺𝗂𝗍 𝗎𝗇𝖾 𝖿𝗈𝗂𝗌, 𝗎𝗇 𝗌𝗈𝗂𝗋 𝖽𝖾 𝖿𝖾́𝗏𝗋𝗂𝖾𝗋...

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♫ Fluorescent Adolescent - Arctic Monkeys

« 𝑁𝑜𝑡ℎ𝑖𝑛𝑔 𝑠𝑒𝑒𝑚𝑠 𝑎𝑠 𝑝𝑟𝑒𝑡𝑡𝑦 𝑎𝑠 𝑡ℎ𝑒 𝑝𝑎𝑠𝑡 𝑡ℎ𝑜𝑢𝑔ℎ »





ೃ⁀➷ 𝒱ingt heures. Les nuages noirs qui couvraient le ciel nocturne m'empêchaient d'admirer le scintillement des étoiles. J'avais poussé mes rideaux bruns usés et ouvert ma fenêtre malgré l'air glacial de ce mois de février. La pluie me fouettait le visage depuis plusieurs minutes, mais je n'y prêtais pas vraiment attention. Je voulais les voir et je m'en irais seulement lorsque l'une d'elles se déciderait à pointer le bout de son nez.

Liz! Pour la troisième fois, il est l'heure de manger!

Je poussai un soupir de mécontentement qui se transforma en une légère buée emportée par le vent. Je finis par refermer ma fenêtre, rabattis mon rideau et me frayai un chemin jusqu'à la porte parmi les dizaines de livres qui jonchaient le sol.

Arrivée en bas des escaliers en bois que Maman avait choisi de repeindre dans un blanc cassé l'hiver dernier, j'enfilai mes chaussons marron aux oreilles d'ourson et rejoignis mes parents à la cuisine. Je m'installai sur ma chaise devant laquelle ma mère avait déjà déposé une assiette remplie de légumes fumants. Je grimaçai de dégoût avant de planter ma fourchette dans une rondelle de carotte recouverte de sauce brûlante.

Comme d'habitude, un silence de plomb régnait autour de la table. Manger sans prononcer le moindre mot était l'une de nos plus anciennes coutumes puisque nous n'avions jamais rien à nous dire. On se contentait de vider nos assiettes sans aucune considération.

Pourtant, ce soir-là, mon père fit exception.

— J'ai une très grande nouvelle ! annonça-t-il en se levant brusquement de sa chaise.

Ma mère et moi le regardions, étonnées. Nous ne l'avions pas vu aussi enjoué depuis un bail. Sur son visage bouffi s'étira un large sourire, laissant apparaître ses dents grisâtres. Peu importaient les années qui passaient, il était toujours vêtu d'une chemise en coton, dont les boutons menaçaient d'exploser sous la pression de sa bedaine. Ses cheveux ternes ébouriffés donnaient l'impression qu'il venait à peine de sortir du lit.

— Et qu'est-ce que c'est ? lui demandai-je en levant un sourcil.

— J'ai trouvé un nouvel employeur ! En fait, c'est plutôt lui qui m'a trouvé, dit-il fièrement. Et il m'a accordé une grosse somme !

J'étouffai un rire face à son ridicule air assuré.

— Sérieusement ? Tu es sûr que ce n'était pas un rêve ? lançai-je d'un ton sarcastique.

Ma mère me jeta un regard noir qui effaça aussitôt mon sourire moqueur. C'était là son pouvoir ; elle avait l'autorité sur notre famille. Un simple changement d'expression pouvait nous tétaniser. Cela allait à l'encontre de sa beauté éblouissante.

Contrairement à mon père, elle aimait prendre soin d'elle, choisir précautionneusement les habits qu'elle porterait. La plupart du temps, elle faisait claquer ses hauts talons à travers la maison, même dans les escaliers. Elle n'avait jamais chuté. J'avais hérité de ses cheveux châtains et de ses yeux noisette, mais pas de sa grande taille. De ce côté-là, je tenais plus de mon père.

SCARLIGHT T1 - L'Ombre de la VéritéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant