15- Sybille

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Le casque sur les oreilles, je pousse le volume de la musique à fond pour m'enfermer dans ma bulle

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Le casque sur les oreilles, je pousse le volume de la musique à fond pour m'enfermer dans ma bulle. Bercée par les mouvements saccadés du train qui me ramène à ma vie étudiante, je laisse défiler sous mes paupières les souvenirs de mon retour chez moi. Espérant qu'ils s'effaceront aussi vite que les paysages flous disparaissent au travers des vitres.

Ce week end chez mes parents aura été catastrophique. Je n'étais pas retournée chez moi depuis Noël, et bien que je sois heureuse de les avoir revus, je n'ai pas profité d'eux. Ma mère est sur la corde raide, elle a perpétuellement des trémolos dans la voix et un rien la fait pleurer. Je la soupçonne de savoir des choses qu'elle me cache volontairement. Mon père est entièrement dans le rejet et n'accepte pas l'idée que son fils soit gravement malade et risque de mourir avant lui. Il parle de tout et de rien, surtout de rien d'ailleurs. Par contre, il s'énerve souvent et nous hurle dessus pour des broutilles. Il se braque à l'évocation de la situation.

J'ai donc passé un week-end en sur la corde raide qui m'a plongée encore plus dans l'inconnu que je ne l'étais déjà. Orion n'est toujours pas rentré de ce qu'il appelle "la fin du bien avant le début de la fin". C'est le nom qu'il a donné à son périple entre potes. Il a créé un groupe sur les réseaux sociaux portant ce nom-là et poste des photos. Comme si c'était légitime de rigoler avec ça. Ce sont mes parents qui m'ont montré les photos, il n'a pas daigné m'inviter à rejoindre ce groupe. Il semble aller parfaitement bien, mais je le trouve déjà amaigri, et d'immenses cernes noirs ornent ses yeux.

Je lui tomberai dessus rapidement, quand il commencera son traitement. Maman a réussi à m'informer qu'il sera pris en charge au CHU de là où j'habite. Ce à quoi elle a ajouté que ce sera chouette, ça nous permettra de se voir plus souvent. Je n'arrive pas à visualiser où est l'engouement d'aller au chevet de son frère malade pour le regarder mourir à petit feu. Car même s'ils ne m'ont rien dit — surtout s'ils ne m'ont rien dit —, je ne me fais pas d'illusions quant à la situation au vu de leur comportement.

— Lou ! Doucement ma chérie.

Ce prénom me sort de mes souvenirs et me ramène au présent. Je détourne les yeux de la grande vitre du train pour observer, face à moi, dans l'autre rangée, une mère de famille qui retient sa petite fille curieuse de papouiller le passager assis face à elles. La tendresse émane de cette femme, l'enfant semble si sereine et pleine de vie. Ce tableau me sert le cœur en me rappelant ce que Loup subissait chez lui quand il était plus jeune.

— Loup ! Descends maintenant !

La voix tyrannique de sa mère déchire la quiétude de sa chambre. Enlacés dans les bras l'un de l'autre, je sens le corps de Loup se raidir. La tête posée sur son torse, je perçois les battements de son cœur s'affoler.

— Elle appelle toujours deux fois avant de monter, me murmure-t-il du bout des lèvres. Planque-toi sous le lit sans faire de bruit.

Sa mère n'accepte pas notre relation. Je crois qu'elle n'accepte pas grand-chose concernant son aîné. Loup avait pourtant vérifié le planning à trois reprises avant de confirmer ma venue. Elle ne devait pas rentrer avant vingt heures aujourd'hui.

Black MoonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant