11- Sybille

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Assise derrière ma caisse, je passe les articles un à un

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Assise derrière ma caisse, je passe les articles un à un. Mes mouvements répétitifs sont rythmés par les bips monotones de la machine. Mes gestes robotisés me laissent tout le loisir de repenser à ce qui s'est passé vendredi soir entre Loup et moi. Comment sommes-nous passé d'une joute verbale assassine à ce rapprochement charnel et explosif ?

Cela fait une semaine que je ne suis plus maîtresse de ma vie. Depuis l'annonce de la maladie d'Orion, j'ai la sensation de ne plus habiter mon corps mais de flotter en dehors et de tout voir sans rien ressentir. Après avoir passé sept jours sur internet, à voguer de site en site à la recherche d'informations complémentaires sur ce cancer, ils concordent tous : quatre-vingt-quinze pourcent de risques de décès dans les six mois, maladie incurable, cancer métastasé, difficilement diagnosticable. Pour faire simple, avec cette maladie de merde, tu es condamné. Il y a un mince espoir si elle est prise en charge très rapidement, ce qui n'est pas du tout le cas de Orion.

Chirurgie, chimiothérapie par voie intraveineuse, traitement médicamenteux, radiothérapie... Il va sûrement avoir droit à la panoplie de traitements envisagés dans ces cas-là. J'ai tenté de l'appeler mais il n'a pas daigné répondre. D'après mes parents, il est dans le déni. Il est parti avec une bande de potes profiter de façon insouciante de ses derniers instants avant d'entamer tout le processus médicalisé.

Cela faisait un moment que notre famille n'avait pas été touchée par un drame. Accident de mon père, cancer de ma mère, maladie de Cleon, décès de mon oncle. En y repensant, on n'a pas été épargnés durant ces années. À l'époque, j'avais une épaule sur laquelle m'épancher, j'avais une oreille attentive pour écouter mes craintes et des doigts emplis de douceur pour tarir mes larmes. Je pensais naïvement que la roue avait tourné, que la poisse était partie s'accrocher ailleurs. Mais elle est revenue comme un boomerang, plus vite que je ne m'y attendais. Et aussi étrange que cela puisse paraître, c'est à lui que j'ai pensé en premier suite à l'annonce de cette tragédie, dans ce parc. J'ai eu envie de plonger dans le creux de ses bras pour m'immerger dans un univers parallèle et ne pas avoir à affronter la réalité. Et c'est encore à lui que j'ai pensé ensuite, quand j'ai ressenti le besoin de me confier. Loup a toujours su me réconforter et m'apporter la protection dont j'avais besoin face à ces agressions psychologiques. J'ai ressenti un profond vide en moi quand j'ai réalisé qu'il ne serait plus jamais là pour m'aider à surmonter ce genre d'épreuves.

Cette angoisse s'est alors transformée en irritabilité puis en colère. En colère contre moi-même d'éprouver un tel besoin, je me croyais plus forte que ça depuis notre rupture. En colère contre lui d'avoir créé ce besoin en moi inconsciemment. En colère contre n'importe qui se trouvait sur ma route et semblait heureux. Pourquoi n'avais-je pas le droit moi aussi à ma part de bonheur une fois de temps en temps ? En colère contre ces pensées égoïstes qui traversaient mon esprit. Je ne pensais qu'à mon bien être alors que je ne n'étais pas malade. Puis enfin, j'étais en colère contre Orion de se fermer à moi.

Black MoonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant