Alors que de l'agitation commence à se faire entendre autour de moi, la luminosité de la pièce m'enjoint à garder les yeux fermés. Personne n'a pensé à fermer les rideaux ou quoi ? Je perçois une personne qui fait des allers et retours derrière le canapé en jurant. Chaque pas martelé dans le sol se réverbère jusque dans mon crâne. Je ne suis pas en état de bouger pour l'instant, j'aimerais juste pouvoir dormir un peu. J'attrape le coussin que je sens sous moi et je le cale sur ma tête dans l'espoir de faire disparaître ces tambours qui cognent. Grave erreur ! Ce geste, aussi inoffensif soit-il, trahit mon état d'éveil.
— Hé ! Ducon ! T'es réveillé ?
— Fais pas chier, putain ! le menacé-je à demi-mots.
Léo se plante devant moi et m'arrache le coussin des mains. Il n'en faut pas plus pour me prendre la tête. Il sait que je peux partir au quart de tour, mais il semble avoir perdu ses couilles depuis que sa chieuse de copine a emménagé chez lui. Il a plus peur d'elle que de moi.
— Casse-toi. Va voir ailleurs si j'y suis.
Je lui laisse une chance de me lâcher la grappe. La tête cachée dans mon bras, j'attrape nonchalamment un autre coussin sous moi et réitère le processus de camouflage. Alors que je peine à trouver une position confortable — ma joue écrasée sur l'accoudoir, mon cou cassé par la différence de hauteur, des objets inconfortables traînant sous moi —, le mec suicidaire qui me sert de pote vient me secouer sans cérémonie.
Ballotté sur le canapé, un feulement sort de mes lèvres entrouvertes. J'ouvre difficilement les yeux, ébloui par la lumière qui filtre par les rideaux translucides de la fenêtre. Ah ben si, il y a bien des rideaux ! Un truc de gonzesse, cette merde. Une fois l'éblouissement passé, je vois un membre poilu s'agiter contre mon abdomen. Pour me dégager de cette attaque, j'attrape la jambe qui me maltraite impunément et je tire un coup sec dessus. Pris par surprise, Léo perd l'équilibre et s'étale par terre.
— Bordel de merde ! Je viens de m'éclater le dos ! s'écrit-il en se tournant en position foetale. Mais c'est pas possible d'être aussi con ! Tu fais chier, Loup !
— Ta gueule. Ça cogne.
Je passe avec difficulté en position assise sur le canapé où j'ai passé la nuit. Enfin, pas la nuit mais quelques heures. Bras croisés sur les genoux, je me prends la tête dans les mains en attendant qu'elle termine de tourner. Le manque de sommeil — et probablement l'air saturé en fumée autour de moi — m'assèche les yeux. Cumulé à mon mal de crâne, j'ai l'impression qu'ils sont transpercés de milliers d'aiguilles. Je rêve de me les arracher pour les sortir de leurs orbites, les malaxer un peu et les réinsérer à leur place initiale. Cela fait longtemps que je ne me suis pas retrouvé dans un état si minable au réveil.
Alors que la larve par terre tente de se relever tant bien que mal, émettant des gémissements plaintifs, je fais le bilan de la situation. Je sais où je suis — chez Léo — et je sais quel jour on est — lundi —. Ma vision est nette, mais j'ai l'impression d'avoir une brouette de sable sous chaque paupière à chaque fois que je cligne des yeux. J'ai la gueule pâteuse avec des relents de gerbe. Par contre, je suis incapable de dire où est-ce que j'ai vomi. Tout ce que j'espère, c'est que ce n'est pas dans le pot de leur pseudo palmier de merde sinon Alice va me prendre la tête pendant des jours. Elle n'a pas aimé, la dernière fois, que je lui dise que c'était de l'engrais naturel. Ça fait longtemps que je n'ai pas pris une si grosse cuite. J'ai l'habitude des soirées arrosées, mais là, je ne me souviens pas de tout ce qu'il s'est passé. J'imagine que si j'ai fait une connerie, l'un des gars va me tomber dessus rapidement.
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Black Moon
RomantizmAprès une séparation douloureuse quelques années auparavant, Sybille et Loup retombent l'un sur l'autre par hasard. Toujours épris de ressentiments à son égard, Loup ne tolère pas la présence de son ex à ses côtés et s'attache à faire de sa vie un...