31-Sybille

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Me voilà dans une nouvelle salle d'attente, sur une chaise inconfortable, aux côtés de Cleon, silencieux

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Me voilà dans une nouvelle salle d'attente, sur une chaise inconfortable, aux côtés de Cleon, silencieux. Face à moi, Orion, assis, bras croisés sur le torse et jambes écartées, présente un visage impassible. Alors que j'essaie de me concentrer pour lire une brochure intitulée Le don de moelle osseuse, pourquoi pas vous ?, je ne cesse de relever la tête pour scruter le visage pâle et amaigri de ce frère que je n'ai pas vu depuis bien trop longtemps. J'ai beau le fixer pour tenter de sonder son esprit, il reste hermétique à toutes mes tentatives d'intrusion. Ma jambe droite se met à trembler frénétiquement et mon talon cogne par terre dans un tambourinement effréné. Je tente de la bloquer pour faire cesser cette gêne, mais elle se met à effectuer des soubresauts incontrôlables. Imperturbable, le regard fixé sur mon genou mobile, Cleon tend le bras vers moi et pose fermement sa main sur ma cuisse. 

— Chhhhht. Billie... murmure-t-il à mon intention.

Ce faible chuintement m'apaise instantanément. Mon frère a toujours été un roc pour moi, petite, quand je faisais des crises d'angoisse. Ce simple geste, qui était à l'époque devenu un automatisme, avait le don de guérir tous mes maux. Et aujourd'hui encore, il a cet effet magique sur moi. Sa paume réchauffe ma peau sous le tissu de mon jean et une douce chaleur protectrice se propage dans mon corps. Par ce geste anodin mais si familier, mon aîné me fait savoir que je ne suis pas seule. Je pose ma main sur la sienne pour le remercier silencieusement et nous attendons. 

Lors de notre rencontre avec le docteur Lapouche, celui-ci nous a expliqué, avec l'accord d'Orion, quelle était la situation et à quel stade en était mon frère. Dans son cas, la chirurgie étant proscrite — personne ne sait à quoi ça ressemble, personne ne sait où ça se trouve mais on ne peut, parait-il, pas vivre sans pancréas —, il a entamé un traitement de chimiothérapie par intraveineuse. Le premier cycle a eu lieu lundi dernier. Ce con n'a, soit disant, « rien senti » et se portait comme un charme. Pour célébrer cette première « victoire », il est allé chez un copain et a trinqué en buvant une bière. Son corps affaibli a tout de suite réagi et il s'est retrouvé bourré en un rien de temps. Suffisamment pour perdre la notion des choses et se mettre à pisser au milieu du salon, pensant être aux toilettes.

J'ai déjà dit qu'il était con ? 

Cleon, hier, m'a raconté que c'est son médecin qui l'a fait sortir de garde à vue, expliquant aux brigadiers de service les raisons de son état d'ébriété. Il n'est vraiment pas croyable ! Même quand sa vie est en jeu, il ne prend pas les recommandations au sérieux et il se croit indestructible. Ce n'est pourtant pas compliqué de suivre les règles. Enfin. Je parle de l'aîné des Simeon. Il a plus d'une fois enfreint le règlement et n'en a toujours fait qu'à sa tête. 

— Monsieur Simeon, Cleon, appelle une infirmière en rentrant dans la pièce, avec un énorme dossier dans les bras. Veuillez me suivre, s'il vous plaît. Pouvez-vous me rappeler votre date de naissance ?

Tout en répondant à l'infirmière, mon frère se lève et la suit dans le couloir. Je me retrouve face à un Orion mutique. Le visage fermé, le regard absent, je me demande l'espace d'un instant s'il ne s'est pas endormi les yeux ouverts. Pour le tester, je me racle la gorge et il pose ses pupilles ternies par la maladie sur moi. Je soutiens son regard, espérant qu'il engage la conversation mais il finit par dévier sa tête et reporter son attention sur un point fixe quelque part dans la pièce. Agacée par son silence, je décide à mon tour de l'ignorer. Ce qui n'est pas chose aisée puisqu'il est l'unique raison de ma présence ici. Mes yeux se fixent successivement sur toutes les affiches plus ou moins défraîchies accrochées aux murs. 

Black MoonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant