Si mes parties de jambes en l'air étaient mémorables, ça se saurait ! Voilà quatre jours que ces paroles tournent en boucle dans ma tête. J'ai cru qu'il avait changé. J'ai cru que cette fois serait différente. J'ai cru pouvoir lui faire confiance. J'ai cru.... Je ne sais pas exactement ce que j'ai cru mais je me suis plantée en beauté. Un connard arrogant reste un connard arrogant. Je n'en reviens pas qu'il ait osé cracher sur notre nuit passée ensemble dès que j'ai eu le dos tourné. Et puis les autres têtes de gland que j'entendais brailler des propos insultants. Je n'avais déjà pas beaucoup d'estime pour ses copains, ils viennent de tomber plus bas que terre.
Mes dix-huit minutes de pause touchent à leur fin. Ma maître de stage m'a envoyé un mail pour avancer notre bilan prévu dans quinze jours à lundi après-midi. Après avoir confirmé ce rendez-vous sur le campus, j'ai envoyé un message à Grâce pour savoir si elle était toujours partante pour notre soirée ciné-baileys et j'attends sa réponse. Au moment de ranger mon téléphone dans mon casier, le tintement des notifications retentit. Je regarde par curiosité si ma meilleure amie me répond et j'ai la désagréable surprise de voir son pseudonyme apparaître à l'écran. Connard. J'ai changé son nom après qu'il ait tenté de m'appeler une bonne demi douzaine de fois depuis hier. Il a compris que je ne décrocherai pas, il envoie donc des messages maintenant. La colère qui bouillonne en moi à chaque fois que je pense à lui est plus vive que la curiosité malsaine qui me titille pour savoir ce qu'il peut bien avoir à me dire. Je déverrouille mon écran et je n'ai plus besoin de réfléchir pour que mes doigts agissent. Ils vont machinalement dans les messages et suppriment pour la huitième fois de la journée l'onglet avec son surnom sans même lire ce qu'il a écrit.
Je repose mon téléphone avec rage sur la tablette métallique de mon casier et je sors de la pièce d'un pas précipité avant de regretter mon geste et d'attendre désespérément un prochain message que je me risquerais à lire.
Assise derrière ma caisse, je vois avancer vers moi ma petite mamie préférée. Poussant son énorme chariot devant elle, je viens à son secours pour l'aider à vider tout le contenu de ses courses sur le tapis roulant.
— Bonjour Madame Mougeon. Comment allez-vous aujourd'hui ?
— Bonjour ma petite Sybille. Merci de votre attention. Vous êtes bien aimable, me gratifie-t-elle de ses doux compliments. Je me sens revigorée et pleine d'énergie.
Cette dame est exceptionnelle. Malgré tout ce qu'elle a pu me raconter — la mort de son mari, le départ de ses enfants, le décès de grand nombre de ses proches, la solitude, les épreuves que la vie lui a fait affronter, la maladie — elle ne se plaint jamais et elle a toujours une douce parole pour moi. Notre génération devrait en prendre de la graine.
— Je suis ravie de l'entendre Madame Mougeon. C'est une belle journée qui s'annonce alors, lancé-je avec un enthousiasme factice et un sourire qui n'atteint pas les yeux.
Fort heureusement, elle ne peut pas le voir car elle a la tête au fond de son caddie en tissu, ce qui m'arrache cette fois-ci un vrai sourire. Ce dernier semblant vide, je retourne derrière ma caisse pour biper ses articles.
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Black Moon
RomanceAprès une séparation douloureuse quelques années auparavant, Sybille et Loup retombent l'un sur l'autre par hasard. Toujours épris de ressentiments à son égard, Loup ne tolère pas la présence de son ex à ses côtés et s'attache à faire de sa vie un...