33-Sybille

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— Redis-le !

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— Redis-le !

Concentrée sur le croquis que m'a préparé Alfred, le tatoueur qui va me faire mon dernier croissant de lune, je tente d'ignorer Loup. Ce qui n'est pas aisé quand il s'obstine à chatouiller le creux sous mon oreille de son souffle, penché au-dessus de moi. Je m'efforce de rester impassible en maîtrisant tant bien que mal ma respiration. J'espère juste que, de là où il est, il ne voit pas que j'ai les yeux fermés. Il me percerait trop facilement à jour. 

— Redire quoi ?

— Tu sais bien.

— Je ne vois pas de quoi tu parles !

— Ce que tu m'as dit. À l'hôpital.

— Je n'ai rien dit. C'est ton traumatisme crânien qui t'a donné des hallucinations auditives. 

— Tu m'agaces, tu le sais, ça ?

— Moi ? Non !

Je ponctue nos enfantillages en lui tirant la langue avant de retourner à mon dessin. Je me délecte de son rire cristallin qui emplit le petit salon de tatouage. Il semblait plus préoccupé ces derniers temps. J'aime voir cette joie naturelle émaner de son regard. Cela fait maintenant plus d'une semaine qu'il insiste jour et nuit pour me tirer les vers du nez. Mais je ne suis pas encore prête à répéter ces trois petits mots prononcés dans un moment de faiblesse. Après le stress et l'angoisse de l'avoir imaginé gravement blessé, voire pire, mon aveu s'est échappé de mes lèvres dans un souffle quand je l'ai découvert allongé sur le brancard. Ses yeux se sont teintés d'une lueur indéfinissable qu'il a voulu me dissimuler. Il n'en a malheureusement pas été de même pour son cœur qui s'est emballé à la seconde où il a entendu ma déclaration. Le moniteur cardiaque s'est affolé et a alerté les soignants. À l'instant où Loup s'apprêtait à me répondre, une équipe médicale est entrée dans la chambre et a fait éclater notre bulle. Depuis, je reste dans l'incertitude quant à la raison de sa tachycardie. Et l'autruche en moi préfère ignorer la situation, comme je sais si bien le faire, plutôt que d'affronter les conséquences qui en découleraient.

Et s'il ne partageait pas mes sentiments, réussiré-je à m'en remettre ?

Ma vision se trouble et il me devient impossible de penser à autre chose qu'au corps de mon amant surplombant le mien. Volontairement, il me frôle sans jamais me toucher pour exciter mes sens. Une délicieuse chaleur pulse entre mes cuisses et je croise mes jambes pour tenter de maîtriser le feu qui me consume. Le grognement qui résonne au creux de sa poitrine me confirme qu'il n'a rien loupé de la scène. Il est parfaitement conscient de l'effet qu'il a sur moi. Je ne fais même plus semblant de détailler le futur tatouage que je connais par cœur et je repousse le classeur d'Alfred. 

Suite à son accident de moto, en raison du traumatisme crânien, les médecins ont préconisé une surveillance continue de quarante-huit heures. Loup a vivement protesté, prétextant qu'il n'avait pas besoin qu'on le materne, jusqu'à ce qu'un interne sous-entende qu'étant sa petite amie, je pouvais parfaitement remplir ce rôle. Je me suis tout d'abord sentie piégée puis je n'ai pu me résoudre à le laisser se débrouiller seul. Quand on voit l'état de son appartement quand il est dans un état normal, je préfère ne pas imaginer comment il prend soin de sa santé. Ne souhaitant pas qu'il se retrouve chez Coline, ma jalousie aidant, j'ai accepté de venir vivre chez lui. Et voilà huit jours maintenant que nous passons la quasi-totalité de notre temps ensemble. Il m'accompagne au travail, je le retrouve au Drakkar — le premier qui réussira à faire prendre un arrêt maladie à cette tête de mule aura tout mon respect — et nous rentrons ensemble le soir. Malgré son épaule luxée, il ne semble plus souffrir autant qu'au début. Je vois parfois quelques grimaces de douleurs crisper les traits de son visage, mais elles sont moins fréquentes que la semaine dernière. Une mini routine commence tranquillement à se mettre en place et je me sens étonnamment sereine. 

Black MoonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant