6- Loup

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Est-ce que quelqu'un peut me dire ce que je fous là ? Ca fait plus de vingt minutes que je poireaute devant cette putain de porte, comme un con

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Est-ce que quelqu'un peut me dire ce que je fous là ? Ca fait plus de vingt minutes que je poireaute devant cette putain de porte, comme un con. Je suis venu ici sur un coup de tête, comme tous les jours depuis le début de la semaine. Je connais les habitudes et les horaires de l'autre trou du cul qui lui sert de tuteur. C'est, au départ, inconsciemment que je suis venu rôder devant cette porte de l'étage. Dans la fosse, je pouvais la voir derrière le mur de verre. Aucun doute sur le fait qu'elle percevait mon regard haineux à l'abri dans l'aquarium. Mais, très vite, j'ai ressenti l'envie, tel un besoin viscéral, de l'insulter et d'aller la faire chier. Depuis mercredi, je me rends ici de façon aléatoire espérant tomber sur elle par inadvertance. J'ai en stock une ou deux insultes d'avance, bien cinglante, et parfois, seules mes pupilles plongées dans ses yeux émeraudes suffisent à lui faire baisser le regard.

Mais aujourd'hui rien. Je suis même allé vérifier qu'il y avait bien de la lumière dans la régie son pour m'assurer qu'elle ne m'avait pas filé entre les doigts. Il y a bien du mouvement mais je n'entends rien à travers la cloison. Je ne suis pas quelqu'un de patient et le fait de poireauter ici a le don de m'énerver. Mais voyons les choses du bon côté, je transforme toute cette frustration en aversion pour elle et dès qu'elle sortira de là, je vais pouvoir déverser le flot d'insultes qui bout en moi.

Je sors mon téléphone de ma poche pour m'occuper les doigts, au lieu de me les ronger. Et aussi pour enlever l'image d'un mec qui attend désespérément quelqu'un. J'envoie quelques mails pour le boulot aux futurs groupes qui viendront se produire ici ainsi qu'aux différents prestataires avec qui j'ai l'habitude de travailler. Rien ne sert de perdre entièrement mon temps. Autant être efficace et productif. J'ai trouvé un job qui me plait et dans lequel je m'épanouis. Tant bien même que l'on peut appeler l'éclate de ma vie de l'épanouissement. Je gère la programmation de la salle de concert, et à part deux ou trois merdes musicales que je me dois d'inviter pour suivre la tendance, j'ai carte blanche quant aux groupes que je veux voir se produire sur scène. Et après avoir bossé trois années de suite dans des festivals en tant que bénévole, j'ai réussi à étoffer mon carnet de contacts et à sympathiser avec tout un tas d'artistes de groupes éclectiques. La plupart vient avec plaisir se produire dans notre salle de concerts. Pour certains, nous sommes leur seule représentation française.

Cela fait maintenant quatre ans que je bosse dans cette salle de spectacles et la réputation de la programmation musicale n'est plus à faire. Entre groupes phénomènes et labels indépendants, les spectateurs viennent pour découvrir des artistes qui ne sont pas présents sur le devant de la scène habituelle mais qui offrent une qualité musicale indéniable. Ce n'est pas ici qu'il faut venir si l'on souhaite entendre une daube commerciale chanter faux sur une bande sonore de boîtes à rythmes sans recherche artistique.

Alors que je vérifie les derniers points pour la soirée de demain, la porte s'ouvre enfin sur Arthur. Je lui lance un coup d'œil furtif, mais ce n'est pas lui qui m'intéresse. Je prends une pause décontractée et j'attends qu'elle sorte à son tour, mais rien ne se passe. Aurait-elle compris mon manège et attendrait-elle, recluse dans son bureau, que je m'en aille pour s'évader ? Si elle croit pouvoir m'échapper, elle se fourvoie. Je suis un prédateur, et lorsque je jette mon dévolu sur une proie, elle n'a que peu de chances d'en réchapper.

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