Chapitre quatorze

108 19 8
                                    

[La souffrance est une terre silencieuse.
On y marche pieds nus.
Jeanne Benameur.]

____________

Les deux yeux grands ouverts, la respiration calme mais pas sereine, il s'assoit lentement dans le lit, repoussant le draps sur ses jambes, pour se frotter le visage contre ses deux mains.

Cherchant à tâtons son téléphone quelque part près de lui, il promène sa main dans le lit jusqu'à le sentir du bout des doigts. L'attrapant complètement, il déverrouille l'écran et grimace en plissant les paupières quand la lumière trop forte lui agresse les rétines.
Rapidement, il s'empresse de baisser la luminosité de son portable, et cligne des yeux pour soulager ses cornées agressées avant de regarder l'heure qui s'affiche.

Trois heure trente-huit.

Il soupire doucement en relevant la tête, promenant ses yeux sur le plafond en suppliant tous les Dieux du monde de le laisser dormir, au moins un peu.

A côté de lui, Sacha qui dort paisiblement ne bouge même pas d'un iota alors qu'il éclaire la pièce avec l'écran de son téléphone. Sa présence près de lui éveille à sa poitrine un sentiment de culpabilité et de dégoût de lui-même.

Quand il redresse son cou, rabaissant son visage, il frissonne en voyant son image se refléter à l'infini dans les nombreux miroirs qui tapissent la chambre. De quoi lui rappeler à quel point il ne supporte plus de se voir lui-même.
Son front a beau peser lourd de fatigue, il ne parvient pas à trouver le sommeil, la cervelle pleine de questions, de doutes, d'appréhensions, et de désir qu'il ne peut pas contrôler.

Quand la lumière de son téléphone s'éteint automatiquement après quelques secondes, le laissant à nouveau dans le noir complet, il cligne plusieurs fois des paupières dans le vide. Sans rien distinguer autour de lui, il reste assit et silencieux, espérant peut-être tomber de fatigue a un moment ou un autre s'il fait croire à son corps qu'il ne cherche plus à s'endormir.

Parce que c'est toujours comme ça, non ?
On s'endort toujours quand il ne faudrait pas, et on ne trouve pas le sommeil quand on le cherche.

Néanmoins, rien ne se produit, et il reste comme ça un long moment.
Comme un con assit sur son lit, dans le noir, au beau milieu de la nuit.

Soupirant d'agacement, il fait doucement glisser son corps hors du lit, descendant du matelas sans faire de bruit, pour aller chercher de quoi couvrir son corps. Enfilant lentement un jogging - pour ne pas réveiller sa petite amie -, il marche sur la pointe des pieds jusqu'à la porte de la chambre.

Rejoignant le couloir torse nu, il referme très délicatement la porte derrière lui avant de s'avancer à pas de loup à travers le corridor.

Arrivant près des escaliers, il distingue un peu de lumière dans l'aile gauche de l'étage.
S'échappant de sous une porte, quelques rayons d'éclairage artificiel s'allongent sur le parquet.
Quelqu'un est réveillé.

Il ne sait pas qui se trouve dans cette pièce mais, inconsciemment, il s'imagine que c'est Alaric, et que lui non plus n'arrive pas à dormir.

S'il en avait la certitude, il irait le retrouver discrètement, pour discuter avec lui et pour mettre sa langue tout au fond de sa bouche. Mais il ne peut pas être sûr de tomber sur lui, et il se trouverait bien con s'il frappait à la porte pour se retrouver nez à nez avec Sinane.
Ou pire, Alec !

Alors, abandonnant ses interrogations, il descend doucement les marches en veillant toujours à ne pas faire de bruit. Atteignant le rez de chaussée endormi, il s'éclaire de la lumière de son téléphone pour évoluer dans le salon, craignant d'attirer l'attention sur lui s'il allume le plafonnier.
Sur la grande table, là où traîne tout un tas d'affaires et de bordel, il farfouille pour chercher un paquet de cigarettes, en trouvant finalement deux.
De la même marque.

Son meilleur amiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant