Chapitre dix-neuf

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[Tout est en désordre. Les cheveux. Le lit. Les mots. La vie. Le cœur.
Jack Kerouac.]

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Il sent sa bouche atrocement pâteuse quand ses cils tressautent légèrement, amorçant un début de réveil, et il avale plusieurs fois de suite la salive du fond de sa langue, encore embrumé et les fonctions cérébrales pas tout à fait reconnectées.
Contre sa joue, le tissu humide de la taie d'oreiller le fait grimacer d'inconfort alors qu'il prend conscience d'avoir baver dans son coussin pendant son sommeil.

Il bouge un peu ses jambes, ses chevilles craquent légèrement, et il récupère graduellement la perception de son corps, malgré cette impression désagréable d'avoir dormi pendant un siècle et d'avoir perdu toute notion de temps et d'espace.
Ses yeux sont encore si lourds qu'il les garde fermés pendant plusieurs minutes alors qu'il peine réellement à se resituer dans son environnement.
Il lui faut un moment pour que ses pensées se réorganisent, et se souvenir d'où il se trouve, à quelle date et dans quel sens est le lit.
Son esprit refait progressivement surface, assemblant les souvenirs et replaçant les événements dans leur temporalité.

Il lui faut quand même pas loin de deux minutes pour se rappeler de sa journée, et du fait qu'il est parti "faire une sieste" dans la chambre qu'il partage avec Sacha un peu après dix-huit heure, alors qu'Alaric s'était endormi comme une masse sur le canapé.
Mais la présence de sa petite amie contre lui, qu'il devine en bougeant dans les draps, semble indiquer que cette sieste a durée plus longtemps que prévu.

Vaseux, il inspire profondément pour tenter de sortir complètement de son coma, et se rend compte en grimaçant de l'état de son corps. La transpiration qui recouvre sa peau le dérange soudain, et le poids de ses bras endormis lui donne la désagréable impression d'avoir les épaules coincées sous un sac de ciment.
Mollement, avec tous les efforts que ça lui demande pour faire le moindre mouvement, il frotte son visage ramolli contre ses mains encore engourdies, au bout de ses doigts, il sent quelques fourmillements résiduels.

Quelle heure est-il ?

Enfin, il trouve le courage d'ouvrir un œil et, en découvrant la pièce plongée dans le noir, il bat des paupières dans le vide à plusieurs reprises pendant que son estomac gronde légèrement d'avoir sauté un repas. Il tourne sur lui-même, en essayant de ne pas trop déranger sa copine qui dort profondément à côté de lui et, à peu près tiré de sa catalepsie, il étire longuement ses jambes et son dos, faisant craquer ses vertèbres dans son mouvement.

A tâtons, il entreprend ensuite de chercher son téléphone quelque part dans le lit, et ses doigts encore à moitié morts peinent à presser le bouton de déverrouillage pour faire apparaître l'heure sur l'écran. L'éclairage violent et trop soudain lui agressant les rétines, il secoue la tête par réflexe avant de se dépêcher de baisser la luminosité.

Une heure cinquante-trois.

En dessous du cadran digital, il remarque en même temps une notification, et il plisse les yeux sur le numéro de l'émetteur inconnu. Curieux, il déverrouille complètement l'écran de veille avec le système de reconnaissance digital, et ouvre rapidement l'application de messagerie.

« Envoie moi un message quand t'es réveillé. »

Intrigué, et encore un peu pâteux, il tape dans sa barre de texte pour faire apparaître le clavier, et racle un peu sa gorge encore asséchée par le sommeil.

« C'est qui? »

Ses cheveux qui collent à son front et la transpiration qui a pris ses quartiers jusque dans son caleçon le gêne, et il gigote sur le matelas en arquant sa bouche d'une grimace de dégoût. Il aurait bien besoin d'une douche, ne serait-ce que pour se défaire de cette sensation désagréable d'être revenu à la vie après être mort pendant trois jours.

Son meilleur amiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant