Chapitre quarante-cinq

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[Je voudrais tout te dire sans rien te dire. Mais pour ne rien dire les mots manquent toujours.
Santiago H. Amigorena]

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*

Malgré l'épaisse couette qui recouvre son corps, son crâne profondément enfoncé dans l'oreiller et la température parfaite de sa chambre, Alaric garde cette impression désagréable d'avoir froid.
Un frisson à travers le dos et les épaules, les yeux rivés sur le plafond, et la couverture jusque sous le nez, il en tremblerait presque.
Croisées sur son ventre, ses mains crispées se nouent l'une à l'autre comme pour se tenir chaud et se réconforter mutuellement.

Son téléphone posé sur le matelas, juste à côté de son visage, demeure silencieux depuis un trop long moment. Dans sa tête, il compte les secondes, les minutes écoulées depuis qu'il a pris la décision d'écrire un message à Gabriel.
C'est vrai qu'il s'y est pris un peu tard, et que ce dernier est peut-être déjà endormi, mais un minuscule espoir insidieux murmure à son oreille.
L'éventualité qu'il lui réponde ce soir.

Cinq minutes, et toujours rien.

Peut-être n'a t-il pas vu le texto.
Ou peut-être l'a t-il vu mais il ne compte pas y répondre.
Ou peut-être est-il en train de rédiger une très longue réponse, qui justifierait cette attente interminable.

Il se dit aussi qu'il aurait peut-être dû envoyer quelque chose d'un peu plus concret qu'un simple "Gab'?".
Si ça se trouve, Gabriel attend juste qu'il lui en dise un peu plus, qu'il fasse l'effort d'être un peu plus clair dans sa démarche.
Ou alors il n'a pas vu le message.

Huit minutes.

Il bouge un peu dans son lit, fait glisser ses mollets contre les draps pour contenir la sensation d'impatience qui lui mordille les jambes. Un soupir d'anxiété vibre dans sa gorge, et il pince ses lèvres en fermant les yeux.
Si Gabriel persiste à ne pas lui répondre, il perdra tout espoir de tenter de renouer un quelconque lien avec lui.
Alors qu'il venait tout juste d'accepter de prendre cette initiative, ce serait trop dur pour lui d'accuser un nouvel échec.

Alors, il espère encore un peu, rouvre ses paupières, et balaie la pièce sombre du regard. Seul l'éclairage timide de sa petite lampe de chevet chuchote un brin de lumière entre les murs, créant des ombres sombres près des meubles.
A mi chemin entre une ambiance lugubre et intimiste, il se mord l'intérieur des joues en tournant la tête vers la porte, scrutant la poignée pour s'occuper l'esprit, sans pour autant s'arrêter de compter.

Douze minutes.

Son portable ne dit toujours rien.
Gabriel ne peut pas être en train de taper un message depuis douze minutes entières, ça ne lui ressemble pas qui plus est.
Peut-être ferait-il mieux d'abandonner pour ce soir, et d'espérer avoir un peu plus de chance demain.
Si ça se trouve, Gabriel est juste en train de dormir.

Même si ça le blesse de capituler, il souffle une dernière fois avant de se retourner sur le ventre, le haut du corps en appui sur ses avant bras.
Les épaules légèrement tendues, il prend son téléphone dans ses deux mains et déverrouille l'écran.

Quinze minutes.

Les yeux rivés sur la barre des notifications, il prie une dernière fois pour voir le petit icône tant espéré y apparaître, et fronce les sourcils en avalant sa salive.
Quelques secondes continuent de filer en silence et, pile au moment où il cligne des yeux, une vibration longue remonte le long de ses doigts et de ses poignets, et son regard s'écarquille alors que l'écran affiche un appel.

Un appel en provenance de Gabriel.

Son souffle se bloque un instant, avant de devenir complètement chaotique, et sa température corporelle augmente soudain d'une dizaine de degrés. Il lui semble presque sentir une goutte de sueur sur sa tempe, ses mains deviennent moites également.

Son meilleur amiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant