Son meilleur ami

Chapitre vingt-trois

[Je n'ai que toi, j'ai tout nié, tout blasphémé, je doute de tout, hormis de toi.
Alfred de Musset à George Sand.]

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Depuis sa conversation téléphonique avec Aaron la semaine dernière, il lui arrive de se sentir physiquement perturbé. Quelques fois, il a subitement du mal à respirer sans en comprendre l'origine, et il sent sa gorge se rétracter, comme si elle était sur le point de se refermer sur elle-même.
Cette impression qu'il va suffoquer et s'étouffer le rend nerveux dans ces moments là, ses mains se mettent souvent à trembler en même temps, et sa poitrine semble se resserrer de l'intérieur.

C'est très pénible comme sensation, et en général, ça le rend d'encore plus mauvaise humeur qu'à l'accoutumée, lui qui n'est déjà pas souvent très joyeux.
Il déteste se sentir comme ça, de temps en temps, il lui arrive même de devoir se pencher à la fenêtre pour prendre de grandes inspirations et tenter de faire disparaître son malaise interne.
Gabriel n'a jamais été sujet à ce genre de réaction physique et, s'il suppose que sa situation n'est pas étrangère au phénomène, il ne parvient pas à se l'expliquer clairement.
Parfois, il aimerait s'en plaindre à Sacha, lui dire qu'il ne se sent pas très bien et que ça l'angoisse un peu, mais faire ça lui parait extraordinairement malhonnête.

Ce sont ses propres mensonges qui le rongent de l'intérieur, demander de l'aide à sa petite amie serait un peu comme poignarder un homme dans le dos, puis lui demander des conseils pour faire partir les tâches de sang sur ses fringues.
Alors il ne dit rien, et attend simplement que la crise passe.
Des fois ça s'arrête après quelques minutes, d'autres fois elle persiste plus d'une heure sans qu'il ne puisse rien y faire.

Il s'efforce de garder le dos droit et les épaules détendues malgré tout, puis profite généralement du moment de sa douche pour envoyer un message à Alaric.
Il n'a pas toujours de réponse immédiatement, avec son travail, il arrive qu'Aly lui réponde avec plusieurs heures de décalage, mais ça lui fait toujours du bien de lui écrire, même s'il ne dit pas grand chose. Depuis qu'Aaron lui a annoncé être au courant, il avoue qu'il se sent de plus en plus angoissé.
Même si ce dernier dit ne pas vouloir les dénoncer, il n'empêche qu'il sait ce qu'ils font dans le dos de Sacha et, pour être honnête, ça l'emmerde sincèrement de passer pour un enfoiré aux yeux de son seul véritable ami.
Et puis, il finira peut-être par le dire à quelqu'un quand même, même par accident, à travers une conversation quelconque, et tout s'écroulera derrière comme un château de cartes.
Avec Sinane, Aaron, et les soupçons indéniables d'Alec, la liste des personnes susceptibles de faire un faux pas accidentel ou de les balancer délibérément commence à se faire longue.
Et plus il y a de monde au courant, plus c'est risqué, ce n'est pas franchement un scoop.

Alors, c'est vrai, ça a tendance à le rendre nerveux tout ça.
Le tout additionné aux mensonges qu'il doit servir à Sacha en permanence, et Gabriel a de plus en plus de mal à se retrouver dans ses émotions. Il sait que la situation commence déjà à le dépasser, et que ça craint.
Mais pour l'instant, temps qu'il ne sait pas comment gérer le problème avec Alaric, à cause de son refus d'avouer la vérité à sa meilleure amie, il ne peut que continuer d'attendre et de s'enfoncer un peu plus.

A l'appartement, l'ambiance est parfois plutôt lourde.
Il manque de plus en plus de patience à cause de cette situation délicate, et lui et Sacha ont du mal communiquer. Lui est toujours à l'ouest, elle ne comprend plus rien des réactions de son mec, et ils se disputent énormément ces dernier jours.
Pour être tout à fait honnête, il s'en veut toujours après coup, parce qu'il sait que c'est de sa faute s'ils en sont là, sa petite amie n'y est pour rien en vérité.
Mais il a, chaque soir un peu plus, du mal à supporter sa présence.