Chapitre vingt-quatre

96 14 2
                                    

[Il y a des jours, des mois, des années interminables où il ne se passe presque rien. Il y a des minutes et des secondes qui contiennent tout un monde.
Jean d'Ormesson.]

_______________

C'est une information subjective, mais onze jours, c'est long.
Vraiment.
Il retrouve les traits de visage de son amant comme s'il les avait quittés il y a six mois.
Devant la porte, alors qu'Alaric vient discrètement prendre sa main dans la sienne pour l'inviter à entrer dans son appartement, il sent ses pensées s'évanouir et s'éteindre les unes après les autres pour ne plus voir que ce sourire qui lui fait face.

C'est vrai, en plus de lui faire faire n'importe quoi, Aly a tendance à lui griller la cervelle.

Le contact de sa peau contre ses doigts soulève son diaphragme d'une multitude d'émotions et sa gorge crépite de ses sentiments qui s'enflamment. L'écho persistant de sa voix atteint ses oreilles, puis son cœur, tandis qu'il referme la bouche en silence en se laissant tirer vers l'avant.
Faisant quelques pas sans réfléchir, il passe la porte d'entrée en levant instinctivement le regard sur son nouvel environnement.

L'appartement n'est pas particulièrement grand, de ce qu'il en voit de là où il est, mais il cligne deux fois des paupières sur les deux bestioles dans leurs terrariums. Il les dévisage un moment, comme s'ils risquaient de venir le bouffer d'une seconde à l'autre, et se tourne vers Alaric en les pointant du doigts.

– C'est quoi ces bordels ?

Le rire franc d'Aly vibre dans l'air alors qu'il referme la porte avant de venir s'accrocher à son bras, fixant ses yeux dans les siens en s'humidifiant les lèvres.

– C'est à Emy, n'aies pas peur, ils vont rien te faire.

– Mais j'ai pas peur !

Vexé et vaguement outré, il relève le menton et les épaules devant son amant, dont le regard s'illumine d'un petit éclat moqueur. Les reflets nuancés de ses iris font danser la lumière autour de ses pupilles rieuses et, en faisant descendre sa main le long de son avant-bras, Alaric referme ses doigts autour de son poignet.

– Si tu l'dis.

Oubliant finalement la présence des deux reptiles à côtés de lui, Gabriel se laisse tomber quelque part au fond de ses yeux, là où il sait qu'il se perdra pour les heures à venir sans pour autant chercher à en ressortir.
Un peu comme un naufrager volontaire, il veut bien s'égarer toute une vie dans les reflets d'absinthe de ses prunelles. Si près de son visage, il retrouve la sensation de respirer normalement, quoi que peut-être un peu trop vite, mais c'est toujours bien mieux que d'avoir la gorge prête à se refermer d'un instant à l'autre.
Son attention navigue de sa bouche à ses joues, suivant les constellations que forment les tâches de rousseur sur son visage, et il doit faire un véritable effort pour avaler la salive qui s'entasse sur sa langue.

Alaric le rend pâteux.
Bête et pâteux.

Mais surtout impatient et amoureux.
Alors, puisque plus rien ne peut venir l'en empêcher, il inspire profondément comme prenant son élan, et verrouille ses deux mains de chaque côté de sa mâchoire pour aller l'embrasser sans retenue. Cognant presque brutalement ses lèvres sur les siennes, il ferme les yeux en décontractant progressivement ses épaules, comme si Aly était réellement en train d'absorber l'angoisse qui s'est installée en lui ces derniers jours.
Sa bouche a toujours le même goût, il le reconnaîtrait entre mille, mais il prend quand même le temps de le chercher à nouveau, pour le découvrir encore.

Il se presse un peu plus contre lui, alors qu'Alaric vient l'encercler entièrement entre ses bras pour le piéger contre son corps, ils échangent ainsi plusieurs baisers consécutifs. Juste avec leurs lèvres, sans ouvrir la bouche, pour le simple plaisir de se rencontrer encore et encore. Ses mains toujours refermées autour de son visage remontent doucement vers l'arrière. Aussi, emmêlant ses doigts dans les mèches de ses cheveux, il s'imprègne entièrement de lui comme s'il avait failli crever du manque.
Son odeur vient s'infiltrer partout à l'intérieur de lui, et la texture de sa peau sous ses paumes soulève les frissons jusqu'à ses épaules.

Son meilleur amiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant