Chapitre trente-six

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[Il est plus facile de mourir que d'aimer.
Aragon]

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A travers le silence de la pièce, la lumière claire et discrète du soleil s'infiltre en secret entre les volets de la chambre, promenant ses rayons sur le visage encore somnolant d'Alaric.
Allongé sur le ventre, les bras croisés sous un oreiller et la joue enfoncée dans la mousse du coussin, ses paupières tressautent légèrement sans s'ouvrir pour autant.
Confortablement installé, et encore bercé par les résidus de sommeil apaisant, il remonte lentement une de ses jambes, calant son genou à hauteur de son bassin, pour adopter une position encore plus agréable.

La couverture sur son corps, remontée jusque sous son menton, l'enveloppe dans sa chaleur réconfortante alors qu'il soupire en profitant pleinement de sa demi veille.
Suffisamment réveillé pour apprécier le confort du lit, et encore suffisamment endormi pour ne pas penser à tout ce qui rend son quotidien difficile ces derniers temps, il respire calmement en resserrant ses bras autour de l'oreiller, le plaquant contre lui comme un doudou.

Il ne sait pas quelle heure il est, mais il ne travaille pas aujourd'hui.
Alors, sans s'inquiéter outre mesure de ce détail sans importance, il se blottit davantage dans la couverture, sentant flotter près de son nez l'odeur de sa colocataire.
Progressivement, se rappelant qu'il a effectivement passer la nuit dans son lit, sa mémoire se réactive doucement, ramenant des souvenirs désagréables.
Après son craquage complet, près du canapé du salon, il s'est effectivement allongé près d'elle.

C'était déjà arrivé par le passé, qu'ils dorment ensemble, quand ils discutaient jusque trop tard dans la nuit. Mais c'était la première fois que les choses se passaient ainsi.
Jamais elle ne l'avait bercé comme un petit frère terrorisé par le monstre du placard, jamais elle n'avait caressé ses cheveux jusqu'à ce qu'il s'endorme, et jamais il ne s'était accroché à son étreinte comme s'il risquait de tomber dans le vide.
Dans ses bras, il a fini par trouver le sommeil quand ses sanglots se sont calmés et, après ça, il n'a plus de souvenirs.

Il lui semble n'avoir pas rêvé, et il n'a pas non plus entendu Emy se lever ce matin.
L'imaginant être sorti du lit le plus silencieusement possible pour ne pas déranger le sommeil de son protégé, il se pince les lèvres, un peu coupable, en dégageant une de ses mains pour la frotter contre son visage.
Puis, gesticulant mollement sous la couverture, il se retourne péniblement sur le dos, fixant son regard sur le plafond.

A peine réveillé, son crâne commence déjà à lui faire mal et, en soupirant, il vient plaquer l'oreiller sur son visage, râlant dans la mousse en crispant son corps.
La douleur se soulève également dans sa poitrine, reprenant sa place bien au chaud entre ses deux poumons, là où elle a élue domicile ces deux dernières semaines.
Les battements de son cœur résonnent à nouveau sous ses côtes, et sa bouche se fend d'une grimace d'inconfort alors qu'il récupère un à un tous ses démons intérieurs.

Écoutant sa propre respiration s'évanouir contre le coussin, il agite mollement ses jambes sur le matelas, frottant ses mollets contre le draps.

Ça y est, le confort du sommeil vient de le quitter définitivement.

Éjectant l'oreiller de son visage, il balade ses mains autour de lui à la recherche de son téléphone, tâtonnant un peu partout jusqu'à le toucher du bout d'un doigt.
L'attrapant entièrement, il déverrouille l'écran tout en l'approchant de son visage, grimaçant légèrement quand la lumière lui agresse les rétines. Parmi les notifications flottantes, un message apparaît et, l'espace d'une toute petite seconde, il se prend à rêver qu'il puisse être en provenance de Gabriel.

Puis, avec grande déception, il souffle bruyamment en s'apercevant qu'il s'agit -encore- d'Alec.
Depuis deux semaines, il reçoit au moins trois messages par jour de sa part et, s'il ne lui répond pas toujours, ça ne l'empêche pas de continuer d'insister.
Ouvrant la notification sans grande conviction, il lit les quelques mots d'un regard vide, avant de rouler des yeux.

Son meilleur amiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant