Chapitre trente-sept

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[En somme nous regrettons tout, cela prouve bien que ce fut beau.
Eugène Ionesco]

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Son rythme cardiaque encore chaotique, déréglé par le mélange explosif de la colère et de l'euphorie libératrice d'avoir enfin tout balancé, et le souffle saccadé de s'être laissé emporté par ses émotions, il secoue ses deux mains dans ses cheveux en remuant la tête.
Le silence de la pièce ne lui renvoie que l'écho bruyant de sa respiration irrégulière, et il reste planté devant le placard ouvert.

Le regard brillant, sonné par ses propres paroles précédentes, il promène ses yeux sur les quelques vêtements lui appartenant, rangés là depuis qu'il squatte cette chambre. L'esprit toujours vaguement embrouillé, saisit par sa violente saute d'humeur, il bat des cils à plusieurs reprises tout en avalant sa salive.
A moitié béat, il ouvre la bouche, surprit de lui même, alors que ses mains en tremblent encore.

Il vient de cracher sa vérité au visage de Sacha et, s'il est encore trop sous le coup des émotions pour prendre la mesure de ce qu'il vient de faire, il se sent à la fois inquiet et soulagé pour la suite. La conversation qui vient d'avoir lieu aura forcément des répercutions, en ce qui concerne sa relation avec elle tout du moins.
Lui qui a accepté de tout plaquer pour elle, se retrouve maintenant à lui cracher son venin en pleine tronche.
Au final, il aura fini par les perdre tous les deux.

En voilà une putain d'ironie.

Face aux étagères, il secoue la tête pour réorganiser ses pensées, et se forcer à reprendre un semblant de calme. Retenant son souffle pendant quelques secondes pour raccorder son rythme respiratoire, il s'éclaircit ensuite la voix au moment de fouiller parmi les vêtements.
Il a besoin de sortir prendre l'air, et de s'aérer la tête.
Alors, en prenant le soin de ne pas choisir n'importe quoi pour cette soirée, il finit par décrocher une chemise noire de son cintre.

Vérifiant qu'elle est un minimum repassée, il s'auto valide son choix avant de se débarrasser de son t-shirt, le jetant directement sur le matelas posé au sol.
Puis, enfilant son vêtement, il maîtrise autant que faire se peut le léger tremblement de ses doigts pour s'appliquer à fermer les cinq boutons du bas, laissant les deux derniers ouverts sur le haut de son torse. Ajustant ensuite le col sur son cou, et les manches sur ses poignets, il enfile rapidement un jean simple, puis une ceinture.
Sa gorge crépite encore, et sa poitrine continue de le marteler d'une forme d'adrénaline, alors qu'il vient d'envoyer en l'air dix ans de sa vie.
Quelques palpitations cardiaques subsistent, mais il s'efforce de les ignorer au moment de ranger son téléphone dans une de ses poches, avant de sortir de la chambre pour rejoindre la salle de bain d'un pas déterminé.

Sacha doit probablement tourner en rond dans le salon à l'heure qu'il est, ou peut-être est elle déjà pendue à son téléphone, en train de raconter la dispute à qui veut bien l'entendre, mais il s'en contre fout pour le moment, se contentant de s'enfermer dans la petite pièce pour s'assurer qu'elle ne viendra pas l'y déranger.
Qu'elle aille se plaindre à qui elle veut, Alaric n'a plus la force pour ça ce soir.
Il ne veut pas se montrer égoïste, ni même ignorer ce qu'elle peut traverser depuis deux semaines, mais il n'en peut plus de sa propre souffrance.

Aussi coupable soit-il de cette situation, il n'empêche qu'il en crève de douleur, et jouer à ce petit jeu d'hypocrisie avec elle ne fait qu'aggraver les choses.

En se postant devant le miroir qui surplombe la vasque, il prend son courage à deux mains pour affronter son reflet, passant ses doigts sur son visage pour estimer les dégâts de la fatigue sur sa peau.
Et c'est pas glorieux.

Des cernes, bien que légères, bordent son regard terni d'épuisement, et ses joues présentent encore quelques signes d'irritation, érodées par le sel de ses larmes quasi constantes. Ses iris semblent à moitié éteints, privés de leur éclat pourtant si singulier, et sa sclère montre quelques rougeurs significatives du manque de sommeil.

Son meilleur amiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant