Son meilleur ami

Chapitre vingt-huit

[La vérité de demain se nourrit de l'erreur d'hier.
Antoine de Saint-Exupéry. ]

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Ces derniers temps, subitement et sans explication, tout est devenu différent, plus compliqué, morose. La communication coupée, la complicité détruite, les sourires effacés, les mots étouffés. Leur relation semble évoluer de travers, prendre un chemin chaotique, s'y briser les roues et glisser lamentablement sur le châssis.
S'enfonçant de plus en plus dans une ambiance terne et sans saveur, ils ont arrêté de se confier des choses, de se raconter leur journée, de se prendre dans les bras juste avant de dormir.

Et elle ne comprend pas.

C'est arrivé d'un coup, sans prévenir.
Il lui semble pourtant qu'il ne s'est rien passé de particulier dans leur quotidien pour en arriver là. Elle essaie pourtant, de chercher dans sa mémoire quelque chose qu'elle aurait pu dire où faire de mal pour déclencher cette distance soudaine.
Mais rien, elle ne voit rien, elle ne comprend plus rien.

Gabriel lui parle à peine, et quand il le fait, elle voit dans ses yeux qu'il est là sans être là. Il ne la touche plus du tout non plus, et c'est à peine s'il fait encore l'effort de l'embrasser deux fois par jour.
Au fil des jours, à le regarder s'éloigner comme ça sans raison apparente, elle a senti son diaphragme se tordre de plus en plus fort, et une vague de larmes silencieuses se répandre continuellement à travers toute sa poitrine.

Ça fait mal, elle voudrait lui dire, mais ils n'arrivent même plus à parler ensemble, la moindre tentative de communication débouche systématiquement sur une dispute.
Qui plus est, elle est presque sûr qu'il le sait, que ça lui fait mal, le préciser ne servira sûrement pas à grand chose.
Et elle ne sait plus quoi faire.

Bien sûr, sa raison lui chuchote qu'il est peut-être temps de mettre un terme à leur relation, qu'insister sur cette voix est sans intérêt, mais elle ne peut pas.
Elle n'y arrive pas.
Parce qu'elle l'aime et qu'elle garde l'espoir stupide et vain que les choses rentreront dans l'ordre comme par magie.

Alors, malgré la douleur, elle tient le secret sur la situation de son couple.
Principalement parce qu'elle ne veut pas donner une mauvaise image de Gabriel auprès de son groupe d'amis, elle ne veut pas qu'ils le jugent vous comprenez, elle tient à lui. Néanmoins, elle ne peut pas tout garder non plus, au risque de se briser encore un peu plus, et s'il y a bien une personne à qui elle ne peut rien cacher, c'est Aly.

C'est bien pour ça qu'elle a déserté son domicile, en ce samedi après-midi, pour venir le voir pendant que Gabriel traîne sur le canapé.
Sans prévenir de son départ, sans annoncer une heure de retour, elle a claqué la porte derrière elle et s'est échappée dans sa voiture pour rejoindre l'appartement de son meilleur ami.

En sortant de l'ascenseur, elle passe nerveusement sa main dans ses cheveux avant d'aller toquer trois coup à sa porte pour prévenir de son arrivée, soupirant doucement en espérant qu'Alaric soit seul chez lui.
Pas qu'elle n'aime pas Emy, mais d'une part elles ne sont pas particulièrement copines, d'autre part elle a besoin de parler seule avec son meilleur ami.
Pour lui confier son désarroi, lui demander ses conseils, et trouver son réconfort.
Elle sait qu'il saura lui donner les mots justes, Aly a toujours les mots justes, ça fait parti de ce qu'elle aime chez lui.

Sa respiration est calme, mais son cœur vibre douloureusement dans sa poitrine et, avant même de commencer à lui parler, elle sent qu'elle se mettra rapidement à pleurer dès qu'elle ouvrira la bouche. Parce qu'elle ne sait pas lui cacher le fond de ses sentiments, face à lui, elle déballe toujours tout, d'un seul coup.