8. Un jeu dangereux

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Dimanche 10 janvier 2019 - 10h28 PM, Camp Principal.

Le soleil s'était enfin couché, laissant la fraîcheur de la nuit prendre le pas sur la chaleur harassante de cette longue journée. Les otages s'étaient tous tus avec l'arrivée des étoiles, faisant place à un silence bienfaiteur. Ils étaient trop épuisés ou... faibles pour continuer à se plaindre, ce qui ne déplaisait pas à Lucia. Au contraire.

Profitant de cette accalmie, elle s'allongea doucement sur la terre sèche de sa prison et déposa la tête sur son bras. Couchée sur le flanc, elle se mit à observer une toute petite araignée tisser sa toile entre deux barreaux rouillés. En son for intérieur, elle se demanda pourquoi est-ce que cette créature avait décidé de s'installer là. Elle était libre d'aller et venir à sa guise. D'explorer le monde à l'aide de ses huit pattes. Alors pourquoi diable se borner à rester dans cette cage ? Sur ce camp ?

Si seulement elle aussi était assez petite pour passer entre les barreaux. Ou assez mince. Même si mince ne serait pas suffisant, à ce stade. Être pourvu de la même largeur qu'un bout de bois serait peut-être plus adapté. Enfin soit. Si elle aussi pouvait sortir comme bon lui semblait, elle ne resterait certainement pas ici. Elle s'enfuirait loin. Très loin d'ici. Et ne se retournerait jamais.

Lucia ferma les yeux avec force pour ne plus voir cette araignée. Elle divaguait. Elle perdait complètement la tête à force de rester enfermée dans cette cage tout juste assez large pour qu'elle puisse étendre ses jambes. Elle était rongée par la tristesse et la colère, son sentiment d'injustice formant une boule épaisse dans le fond de son estomac.

La jeune fille voulait hurler encore et encore. Hurler sa haine. Hurler son chagrin au monde entier. Ces hommes lui avaient pris sa vie. Son avenir. Son ami... Le visage d'Oliver apparut dans son esprit, mais elle se força à le chasser. Penser à lui la rendait encore plus triste et elle était trop fatiguée. Même pour pleurer.

Se laissant rouler sur le dos, elle fixa le ciel. Un hélicoptère avait quitté l'île une heure plus tôt. Elle supposait que c'était Lungelo. Pourtant, toujours pas de signe de Dante ou d'un potentiel acheteur. Nada. Donc, elle en avait conclu qu'au final, elle n'était pas « la fille » dont avait fait mention le pirate. D'un côté, ça la soulageait. Mais d'un autre... ça la déprimait. Quand allait-elle enfin quitter cet endroit..?

On ne se rendait compte de ce qu'était l'ennui qu'en pareille situation. À New York, elle avait toujours quelque chose à faire : voir une amie ; étudier ses cours ; se balader à Central Park ; lire un bouquin ; regarder des vidéos idiotes sur internet. Mais ici... elle n'avait strictement rien pour se distraire. Ce manque de stimulation contribuait à la rendre dingue. Parce que lorsqu'on s'ennuie, on pense. On pense trop. Et son cerveau était devenu son pire ennemi, depuis un moment...

Elle se contraignit à refermer les paupières pour essayer de grapiller quelques heures de sommeil. Il fallait qu'elle se repose. Même si elle faisait un cauchemar, ce ne serait rien. Il serait toujours plus agréable que son odieuse réalité...

Mais elle n'eut pas le temps de seulement commencer à sombrer dans l'inconscient. Des pas se rapprochaient, ce qui la mit en alerte. Réouvrant les yeux, Lucia rencontra le visage désagréablement familier de Dante. Il était accroupi devant sa cage et lui adressait un sourire presqu'amical.

La jeune fille soupira et s'assit pour laisser son dos percuter les barreaux, se plaçant donc le plus loin possible de lui. Pas par peur (elle était trop fatiguée pour avoir peur), mais par simple principe. Elle ne l'aimait pas et n'avait donc aucune envie de se trouver proche de lui.

Aller Simple en Enfer [T.1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant