29. La tempête - part. 1

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Dimanche 14 février 2019 – 21h47 PM, Camp Principal.

Le ciel était couvert d'épais nuages gris et l'atmosphère, encore plus suffocante qu'à l'accoutumée, portait en elle une promesse d'orage. Il ne pleuvait pas encore, mais ça ne saurait que tarder. Les feuilles des hauts arbres tropicaux se balançaient au rythme des puissantes bourrasques de vent balayant Lost Island à intervalles irréguliers, apportant avec elle l'odeur iodée de l'océan se déchaînant à quelques lieues de là : une tempête approchait.

Lucia, assise comme à son habitude sur le rebord de sa fenêtre, observait l'extérieur avec impassibilité. Le temps lui importait peu, seulement, c'était la seule chose qui parvenait à lui changer ne serait-ce qu'un peu les idées. Ses pensées étaient aussi sombres que le ciel. Depuis la veille, la tristesse était en train de l'emporter sur la rage au terme d'une bataille déchaînée longue de plusieurs semaines. La jeune fille savait que c'était le signe annonciateur d'une dépression. Le premier déclin de sa volonté à se battre.

Comment pourrait-il en être autrement ? Elle n'en pouvait plus de lutter. Sa colère, son seul carburant actuel, s'était éteinte. Ne lui restaient que la peine, la culpabilité et la douleur. Le poids écrasant de ses remords. La torture insoutenable de ses souvenirs. Un cocktail léthal menaçant de la faire s'effondrer pour de bon.

Les premières gouttes de pluie frappèrent le carreau, parvenant de la sortir en partie de sa léthargie. De la même façon que lorsqu'elle était enfant, Lucia suivit du regard leur tracé sur la vitre. Elle observa cette eau tombée du ciel dessiner des formes abstraites sur la paroi transparente, s'unissant, se séparant, se divisant au rythme de leur course folle. L'averse allait être terrible.

La rousse songea, dans un vague dessin utopique, qu'elle suffirait peut-être à immerger Lost Island dans son intégralité. À la façon de L'Atlantide, elle serait engloutie par les flots qu'elle n'aurait jamais dû quitter. Cette pluie noierait les pirates. Elle noierait ce commerce. Et par-dessus tout, elle noierait sa mauvaise conscience. Rêves futiles. Futiles comme sa vie. Futiles comme ce qui lui restait de dignité et d'espoir...

Lucia se prit le visage à deux mains pour le frictionner lentement. Elle essaya de refouler ses larmes qui ne cessaient de vouloir jaillir de ses yeux encore rougis de la veille. Voilà tout ce à quoi elle était bonne, désormais : pleurer sur son sort. Comme si ça allait l'aider à s'en sortir. Mais comment se ressaisir alors qu'elle n'espérait plus rien de l'avenir..?

Depuis quelque temps, elle avait l'impression de voir sa vie depuis un écran. D'être spectatrice de sa propre déchéance, confortablement installée dans son lit en compagnie d'Anissia durant une soirée Netlfix, ce qui était une habitude par le passé. « Elle est vraiment idiote, cette Lucia », aurait commenté la blonde, du pop-corn plein la bouche. « Ah bon ? Et pourquoi ? » l'aurait interrogée en retour son amie après avoir avalé une gorgée de sodas saturé de sucre. « Son plan n'avait aucune chance de fonctionner. J'veux dire... Sortir avec deux autres personnes en pleine journée alors qu'elle est hyper surveillée ? C'était idiot. » « Ouais, t'as raison. C'était idiot ».

La jeune fille s'en rendait compte, aujourd'hui : son idée était complètement idiote et vouée à l'échec. Elle avait été trop confiante, aveuglée par la perspective de retrouver ses proches. Et maintenant ? Oh, maintenant...

La porte s'ouvrit, mais elle n'y prit aucune garde. Dante entra et verrouilla dans son dos. Ensuite, il prit le soin de retirer la clef de la serrure. Petite innovation toute fraîche de ce matin. « Mesure de sécurité », lui avait balancé cet enfoiré. Comme si elle n'était pas déjà assez prisonnière comme ça...

Aller Simple en Enfer [T.1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant