Aller Simple en Enfer [T.1]

27. Un monstre peut en cacher un autre

Samedi 13 février 2019 – ??h?? PM, Camp Principal.

La première chose que ressentit Lucia en émergeant des ténèbres fut cette douleur lancinante dans son crâne. Elle montait et descendait comme une alarme de pompier et son oreille sifflait de manière atroce. Une nausée remonta des méandres de son estomac et la jeune fille gémit, déstabilisée par cette avalanche de sensations désagréables. Elle avait l'impression horrible de se trouver sur une plaque tournant à toute allure.

Ouvrant doucement les yeux, l'Américaine put déceler la terre sèche et la paille sur lesquelles elle était allongée, de même que les barreaux en métal rouillé plantés tout autour d'elle. « Retour à la case départ », l'attaqua une petite voix perfide au fond de son être. Elle qui voulait la liberté, la voilà encore plus prisonnière qu'elle ne l'était déjà.

La rousse essaya de ne pas songer tout de suite à ce que son retour en cage impliquait et tenta à la place de se redresser. Son bras sur lequel reposait sa tête se plia afin de la soutenir, son buste se souleva de quelques centimètres et... son estomac se retourna. Par réflexe, Lucia bascula sa tête sur le côté. Mais rien ne sortit. Une fois certaine qu'elle n'allait pas vomir, elle s'assit complètement et laissa son dos reposer contre les barreaux, les yeux toujours clos.

Ce n'est que lorsque ses vertiges se calmèrent en partie qu'elle osa entrouvrir les paupières : le monde ne tournoyait plus comme une toupie folle, se contentant désormais de tanguer doucement. Elle put ainsi prendre conscience de la chute du jour au profit de la nuit. Combien de temps était-elle restée inconsciente..?

- Je reconnais y avoir été un peu fort.

Elle faillit faire une attaque en entendant cette voix. Elle avait reconnu les inflexions hispaniques, aussi c'est sans surprise qu'elle croisa le regard Dante, assis de l'autre côté des barreaux. Il la fixait avec impassibilité, l'expression tout aussi neutre qu'avait pu l'être son intonation.

Lucia, après lui avoir rendu son œillade, se laissa retomber contre les barreaux et se mit à fixer un point droit devant elle, la mâchoire contractée. Il l'avait rattrapée. Ce fait aurait dû l'effrayer, mais à la place, elle se sentait juste... furieuse. Et déçue. Elle y était presque, cette fois...

- J'ai bien cru que tu te réveillerais jamais, reprit-il sur le même ton.

- Tu m'aurais rendu service, répliqua-t-elle avec un demi-sourire laconique.

La jeune fille pouvait toujours sentir son regard sombre posé sur elle. Il la fixait avec suffisamment d'insistance pour la faire frémir. Toutefois, elle demeurait inexpressive, les yeux rivés avec obstination droit devant elle. Elle ne voulait pas le voir, et encore moins lui parler.

Seulement, Dante ne paraissait pas du même avis, car il reprit la parole, la voix plus cinglante :

- Honnêtement, Lucia, je suis impressionné. Non, vraiment ! Tu m'as pris de court. Mettre KO mon meilleur homme, traverser tout le camp sans être vue, séduire, désarmer et assommer un garde. Franchement, hermana, je te dis bravo. Je ne l'ai pas vu venir, ce coup-là...

- Merci, Dante. Ça me touche... ne put-elle s'empêcher d'ironiser.

- MAIS, je suis aussi très déçu. Je pensais que t'avais enfin pigé où était ta place.

- 'Faut croire que non. Remarque, on est déçus tous les deux, comme ça ! Toi parce que j'ai essayé de filer, et moi... parce que j'ai loupé mon coup.

Il y eut un silence. Un bref silence durant lequel Lucia remarqua que la musique techno était à l'arrêt. Plus un son ne régnait sur le camp. « Mince, j'ai gâché la fête », songea-t-elle, sarcastique.