ÉPISODE 68

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VENDREDI, 11 : 00 

C'est gris et sombre. Le brouillard pesant sur le quartier donne à ce dernier des airs de ville fantôme. Ne portant qu'un vulgaire pull en coton, le froid me rongeait la peau, même sous mes vêtements.

Je sais pas il est quelle heure et j'arrive pas non plus à deviner quelle heure il devrait être. J'ai l'impression avoir perdu la notion du temps ; sans mon portable, sans une montre, ni rien, j'me sens complètement déboussolé.

Puis, j'ai même pas pensé à vérifier l'heure avant de sortir de la maison de Tina. Celle-ci dormait encore, à fond, enveloppée dans ses draps chauds. J'voulais pas la réveiller. A quoi bon ? Ça aurait servi à rien quoi. 

Tina ne peut rien faire. Elle ne peut pas me venir en aide. Déjà qu'elle a eu la gentillesse de m'héberger dans sa chambre pour toute une nuit. Putain. Je n'oserais pas lui demander davantage. En fait, j'veux pas l'embêter avec des soucis que je dois moi-même gérer. Il faut assumer, maintenant. Même si j'aurais voulu que... eh bien, j'aurais peut-être voulu l'entendre me dire ce je pourrais faire pour tout remettre dans l'ordre.

J'aurais voulu qu'elle me... comment dire ? J'aurais voulu qu'elle me dise que tout ça va bien s'passer. Que même si tout va mal, ça va aller. Pff, dites-moi que je fais pas pitié à penser des choses pareilles.

C'est le bordel. Si seulement j'pouvais genre, effacer tous les évènements d'hier. Un par un. Des causes jusqu'aux conséquences. Ça aurait été tellement plus facile que de d'me retrouver là, devant les faits accomplis.

Mais cette solution n'en est pas vraiment une. C'est moi, en vrai. Je dois règler toute cette merde moi-même. Rien ni personne le fera pour moi.

À ce moment-là, la porte commence à s'ouvrir. Ma respiration se bloque, prise de court. Putain, putain. Pendant un petit quart de secondes, j'ai vraiment cru le voir à lui. Mais à la place, ouais... je respire de nouveau. Une fille aux cheveux verts – horribles en passant – se présente dans mon champ de vision. J'la connais. C'est quoi son blase déjà, elle ? Gaëlle. Ouais, Gaëlle. Merde. Je soupire intérieurement, agacé.

C'est pas que je l'aime pas, non. En vrai, au calme. Mais t'sais, j'aurais préféré que ça ne soit pas elle qui vienne m'ouvrir cette porte. Qu'est-ce qu'elle fiche chez Jolly, de bon matin en plus ? Je ne sais pas et je ne veux pas savoir. Qu'importe. Je ne suis pas ici pour admirer sa chevelure vomis, ni les pattes d'araignée qui lui servent de cils. Et ça, je crois qu'on le sait tous hein.

― Ah, c'est toi... bon, voilà ta veste. Tu l'as oubliée ici hier. Bah... tiens, commence-t-elle directement.

Je la prends, l'enfile devant Gaëlle, sans la lâcher des yeux une seconde. Non mais, attendez un peu là. Je rêve ou elle me fusille du regard ? Je n'aime pas trop sa façon d'me mater ; y a un truc d'arrogant ou je-ne-sais-quoi qui me plaît pas du tout là. Si quelque chose lui pose problème, elle n'a qu'à l'dire tout de suite hein. Conne, elle l'est toujours. Je n'arriverai pas à me convaincre du contraire. 

— J'peux entrer ? je demande, au cas où elle croirait que j'étais là uniquement pour cette veste.

― Mm... ça dépend, qu'est-ce que tu veux ? 

Comment ça, qu'est-ce que je veux ? Toi meuf, qu'est-ce que tu veux de moi ? Mes poings se serrent, cachés dans les poches de ma doudoune. Gaëlle décide de sortir de la maison, refermant la porte d'entrée derrière elle. Ah ouais, génial. Fallait vraiment que je tombe sur cette nana ? Décidément, ce qu'on appelle « la chance », eh bien la chance me manque depuis hier. 

— J'dois parler à Jolly... c'est imp... c'est urgent.

― C'est urgent tu dis ?

― Ouais, très urgent.

LUCAS, l'insomniaqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant