LUCAS, l'insomniaque

ÉPISODE 1

MARDI, 15 : 30, fac, réfectoire avec les potes

Je regarde l'heure sur l'écran de mon portable. 15 : 30. Putain. Faut encore attendre 30 minutes avant le début du dernier cours de la journée. Fait chier, mais fait chier. 15 : 31. L'écran s'éteint.

Je suis assis au réfectoire du campus, avec Bilal et Sami, mes amis de la fac. Sami vous savez de qui il s'agit ; et Bilal, mon second meilleur pote, bah c'est le sang de ouf aussi. Ils parlent de la « meuf » de Sami, je sais plus son prénom. Ils sont à fond sur le sujet, mais j'ai l'habitude avec eux. Quand Sami est sur une fille, il arrête pas d'en parler H24. Ouais c'est chiant, mais c'est comme ça. Je le supporte, c'est mon reuf.

— Elle était comment du coup ?

— Bah j'l'a kiffe grave, elle est canon et puis, mature quoi. Genre elle a 2 ans d'plus que moi, mais bon, je pense pas qu'c'est un problème ça. T'en penses quoi Lucas ?

Je soupire en entendant mon prénom et reporte mon attention vers mon ami. J'ai pas vraiment d'avis là-dessus, frère. J'aurais aimé l'aider, mais j'en sais rien. A dire vrai, j'y ai jamais pensé. 

— Ouais c'est pas un problème mec. C'est pas grave hein. Elle a quoi ? 23 ans du coup.

— Ouais.

Il nous montre encore sa photo sur insta et Bilal mate l'écran avec de gros yeux impressionnés.

— Elle est bonne hein, ricane-t-il en tapotant l'épaule de Sami.

Ouais par contre, on se calme.

— Ta gueule.

Je scrute le lieu, d'un œil morne. Il est encore 15 : 36. Putain le temps ne passe pas ou quoi ? J'ai besoin d'un café ou quelque chose, mais flemme d'aller faire la queue. Dehors, des étudiants discutent sur les bancs, marchent vers les portes des bâtiments et je vois le chat habituel du campus suivre un mec qui mange un sandwich. Je soupire, ennuyé. J'pense que je vais sécher. Y a Sami qui prend des notes en cours, il peut bien me les filer (comme chaque année quoi). Et puis je me dis que ça fait juste 3 jours qu'on a repris l'université, ma motivation est déjà sous le zéro.

— Salut les gars, dit une voix sortie de nulle part.

Je lève les yeux vers... Karl, planté devant notre table, à me fixer plus que les autres (comme si on était potes). Il porte un sweat mauve mais tellement moche.

— Salut mec, répond gentiment Sami, mais je vois qu'il se force un peu, parce que c'est quand même chelou. Il veut quoi de nous ?

— Um en fait j'voulais vous d'mander si vous êtes chauds samedi pour une sortie, genre avec les autres. Au centre-ville. On pourrait s'poser dans un bar, ça serait cool. Vous en dites quoi ?

Il nous jette des légers regards timides. Il est vraiment coincé ce mec. J'réponds pas, même s'il ne regarde que moi. Je veux pas que les autres croient qu'on est potes maintenant, juste parce que je me suis rendu à sa teuf l'autre fois. C'est trop pas le cas hein, attention. Je soupire et hausse les épaules. Franchement, je veux bien partir du moment que y a Bilal ou Sam. Dans le cas contraire, c'est mort.

— Moi ouais j'suis chaud, répond Bilal, en me jetant des coups d'œil curieux.

— Bah moi j'verrais ok ? dit Sami, indécis.

Vu que Karl me lâche pas du regard, j'accepte par un simple ok tout sec.

— Cool, donc à samedi les gars.

Il repart bien vite rejoindre ses potes sur le banc. Je fixe son dos et ses bras trop maigres qui sortent de son sweat légèrement replié, puis détourne le regard vers mon portable. Je sais pas ce qui se passe dans sa tête à c'type. Karl Miller. Je le connais à peine, il veut déjà m'intégrer dans son groupe. Flippant.