ÉPISODE 66

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DIMANCHE MATIN, chez Lucas

Au lever du jour, j'me réveille avec des fragments de rêve dans les yeux. Un peu paumé, je regarde autour de moi, avec une envie grandissante de dormir encore quelques minutes. Purée, c'est trop tentant. Si c'est pas ça le paradis, alors je sais pas ce que c'est. J'me sens bien ici, dans cette chaleur, sa chaleur.

La première chose que j'vois, c'est le lit vide de Daniel. Les draps sont en bordel et le coussin est misérablement balancé au sol. Si le mioche est déjà debout, alors bon, il doit être assez tard. Merde. Genre, il est quelle heure... pff, laisse tomber. Je veux même pas savoir.

— Tu dors ? ma question résonne dans le silence de la chambre.

— Mm... 'core sommeil.

On dirait un gros bébé, j'vous jure. La tête de Jolly est écrasée contre mon épaule, son torse collé à mon dos. Sa gueule n'est pas à ma portée, mais j'imagine qu'il doit ressembler à un gros chat. Son souffle s'échoue sur ma nuque, avec un rythme agréable.

Je suis enfermé dans ses bras chauds, incapable de bouger d'un pouce. En vrai, il veut pas me laisser sortir du lit, alors que j'ai ouvert mes yeux depuis plus de trente minutes. C'est chiant. Enfin, pas tant que ça non plus...

— Tu veux j't'apporte du café ? je lui propose, espérant qu'il me lâche.

— Non... reste. Mm bien m'réveiller à côté d'toi... il baille bruyamment, avant d'me serrer davantage contre lui.

— Ah ouais ?

— Ouais... bouge pas.

Roh ça va, je reste, calme-toi. Façon, c'est pas comme s'il me donnait le choix. Mes doigts caressent sa main, traçant la ligne de sa veine. J'trouve ça beau. Enfin, sa main, sa veine. C'est masculin, c'est... putain, pensées du matin de merde. Bon. Je suis fatigué, d'accord ? Faut dire que ma nuit était très courte. Uhum.

Notre nuit, plutôt. Notre nuit était courte.

Des morceaux de souvenirs viennent remplir mon esprit. C'était bien. Comme toujours. Enfin, on n'est pas allés très loin, même si Jolly en mourrait d'envie (au même titre que moi quoi). La vérité, ça m'a mis mal à l'aise l'idée que ma famille puisse nous entendre depuis la chambre. Vous imaginez le degré de gênance ou pas. Ouais. J'allais pas prendre le risque. Alors on s'est contentés de...

Bon, on va pas entrer dans les détails non plus.

— Dis... prononce Jolly, en enfouissant sa bouche au creux de mon cou.

— Ouais ?

— Mes darons vont à Paris pour quelques jours. Hazel a un truc... et elle veut que mes parents soient là. Je voulais partir, mais apparemment, elle peut inviter que deux personnes.

Euh, ok. Triste pour lui. Je soupire, sans répondre par quoi que ce soit. En vrai, je sais pas pourquoi il me raconte la vie de ses parents. Après, c'est Jolly, et Jolly est le champion du monde à parler de tout ce qui lui traverse la cervelle. Il se racle la gorge, pour réveiller sa voix. J'pense il veut rajouter un truc.

— Du coup, I was thinking... tu veux venir chez moi pendant ces quelques jours ? Genre, on sera que tous les deux à la maison, alors... what do you think ?

Hé, son idée est pas mal du tout. Genre, avoir sa maison — en entier — pour nous deux. Rien que pour nous deux. Wo, j'aimerais bien moi, ouais. Je souris, les sourcils cependant froncés. Bah j'pense que sa proposition est bien.

— Si ça t'dérange pas. Et si ça dérange pas ta mère. Et ton père, je lui dis, en tentant de regarder son visage. Mais j'y arrive pas, vu qu'il est derrière moi.

LUCAS, l'insomniaqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant