ÉPISODE 6

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JEUDI, MIDI, parking universitaire

Devant ma voiture, au fond du parking universitaire, j'attends que Karl se ramène pour partir je-sais-plus où. Faculté de médecine je pense. C'est assez proche d'ici, j'y suis déjà allé pour un event un peu merdique l'année dernière avec mes potes. En pensant à l'année dernière d'ailleurs, j'me dis que c'est tellement pas pareil maintenant. Genre, cette année là. J'comprends pas trop pourquoi, peut-être parce que c'est ma dernière année, que je m'fais chier et que... j'sais pas, sérieux. Sûrement le stress, car c'est toujours la réponse qu'on donne à tout et n'importe quoi.

La fumée de la cigarette me réchauffe le visage et me pique les yeux. Je tire dessus pour quelques instants et souffle doucement, en orientant mon menton vers le haut, les yeux plissés. De l'autre main, je tiens ma canette de Monster à moitié terminée. Des gens vont et viennent, montent dans leur voiture, sortent du parking, y rentrent. C'est la pause de midi. Je tire une dernière fois, avant de jeter la clope par terre, l'écrasant avec ma converse noire. Puis c'est là que de loin, j'vois Karl, traversant à grandes enjambées la surface. C'est pas trop tôt, 10 minutes que je l'attends ici wesh.

— Désolé, dit-il à mi-voix alors que j'ouvre la portière de ma voiture, m'engouffrant vite dedans.

J'attends que Karl s'installe correctement sur le siège passager et boucler sa ceinture. Je regarde dans les rétroviseurs pour aller en arrière, sors de du parking universitaire et accélère petit à petit sur la route étroite. C'est par où déjà ?

— C'est par où ? je demande à Karl, en lui jetant un petit coup d'œil.

— Oh oui, wait. J'vais euh. J'vais ouvrir le GPS.

Il tapote sur son téléphone quelques instants.

— Ok à gauche, il me dit et j'prends le premier virage à gauche.

Merde, j'ai pas mis ma ceinture. Je la boucle, tant bien que mal, en conduisant avec une seule main. Je m'arrête brusquement devant le feu rouge, faisant klaxonner une bagnole derrière moi. Je soupire profondément et pose une main sur mon front. Silence. Putain, j'aime pas ces silences, c'est assez gênant. Alors que je m'apprêtais à allumer la radio, le feu vire au vert et je redémarre.

— J'ai rencontré quelqu'un sur Tinder.

Karl brise le silence d'un coup, avant d'se racler la gorge. Sa voix est un peu hésitante, et il regarde droit devant lui, sans bouger. Et j'peux savoir pourquoi il me sort ça en vrai ? À moi ? J'accélère un peu plus, la voie étant libre. Il attend que je réponde ou... ?

— À gauche, me dit-il et arrivé au virage, je tourne.

Putain, y a des bouchons. Je m'arrête. En même temps, je m'y attendais. A midi, tous les étudiants se cassent. On part aux snacks, aux foyers, certains rentrent chez eux pour bouffer. Parce que ouais au réfectoire, bah... on n'est pas gâtés. Je jette un coup d'œil à Karl. Il semble grave nerveux, et là, il se mord le doigt comme s'il voulait s'arracher la chair.

— T'as rencontré quelqu'un et ? je lui demande, malgré moi.

— Bah je... stresse. 'Fin, il m'a, j'veux dire... elle m'a dit que... qu'elle aimerait... 'fin... qu'on s'voit... mais... je... je sais pas.

Il soupire, agacé et détourne le regard vers son ongle, qu'il mord encore. C'est quoi son souci à c'mec ? Je comprends pas où il veut en venir. Ça me soule qu'il s'exprime aussi mal aussi.

— Bah ouais. Tu peux l'voir. La voir, j'veux dire.

Je pensais qu'il kiffait les mecs, d'ailleurs. Il aime peut-être les deux, ça existe aussi ça, non ? Je fronce les sourcils, avant de me rendre compte que ça avance. Je redémarre et longe la longue route.

LUCAS, l'insomniaqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant