ÉPISODE DERNIER

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VENDREDI, 15 : 00, fac

Mes AirPods sont vissés dans mes oreilles, depuis le début du trajet en bus jusqu'à mon arrivée à l'université. Je commence à avoir mal aux oreilles, mais je les laisse quand même, ne souhaitant pas m'en débarrasser. En vrai, j'ai pas envie d'entendre le bruit du monde autour de moi, la voix des gens, des véhicules qui circulent sur les routes plus ou moins dépeuplées et les autres rumeurs de ce recoin de la ville. Ma fatigue actuelle requiert du silence.

Arrivé devant la faculté de droit – cet endroit si habituel et familier, qui devient, à mes yeux, de plus en plus ennuyant – j'décide de rester sur le trottoir opposé au portail. Ouais, il est quand même 15 : 00 et monter en classe avec 30 minutes de retard, c'est même pas une option pour moi. À quoi bon ? Puis, c'est du droit civil là. Le vieux, il va grave pas être content de voir un étudiant débarquer comme une plante à son merveilleux cours. Ah, j'ai la flemme, vas-y. Surtout après un examen oral de 40 minutes. Vous savez quoi, je suis au bout de ma vie.

Une inspiration de satisfaction soulage ma poitrine et la raison est simple. J'ai fini les examens pour le concours de police. Ouais, j'ai tout terminé, tout tout tout ; les examens oraux et écrits. Mes cheveux ressemblent à une putain de serpillière et mes yeux doivent porter des cernes assez gênantes, mais wesh, je suis libre et content, malgré ma sale gueule. En même temps, ma sale gueule est la preuve concrète que bah, j'ai beaucoup bossé et beaucoup travaillé pour en arriver là. La vérité, je suis satisfait. Enfin, j'ai l'impression d'avoir bien répondu aux questions, d'avoir bien raisonné et... bon, j'espère réussir.

Ça serait con de ne pas réussir après ces longues semaines de révision. Je m'en voudrais, merde. J'm'en voudrais trop.

Une cigarette tirée du paquet en deux secondes, je la coince entre mes lèvres et l'allume, avec un vieux briquet trouvé par accident dans ma poche. La fumée me réchauffe et élimine le froid ambiant dans l'air. Ah, ça fait du bien, de se sentir libre. J'aime la sensation de pouvoir retourner à la maison, sans avoir à me précipiter sur les bouquins et les cours, sans avoir à cogiter sur comment je vais avoir le temps d'avaler toutes ces informations. La joie, putain !

Ce soir, je vais grave dormir la nuit et me réveiller à l'heure que je veux. En même temps, demain, c'est samedi et j'ai jamais été aussi heureux d'être en week-end. Je tire sur ma clope, en matant les gens – pas très nombreux – autour de moi. Certains étudiants se dirigent vers le Starbucks du coin, pour se recharger en caféine ; d'autres partent au parking, sûrement pour foutre le camp d'ici ; une troisième catégorie de personnes se dirige vers l'arrêt de bus. Ma tête se relève vers le haut, pour regarder le ciel bleu et étouffé de nuages. La lumière me fait mal aux yeux. Je suis presque devenu un casanier depuis quelques temps.

C'est là que je me dis, oh. Mes sourcils se fronçent et ma main attrape mon téléphone qui était réfugié depuis un long moment dans ma poche. Je retire le mode avion, désormais inutile. Des notifications s'accumulent dans la barre d'en haut. Bon, on s'en fiche. Je dois parler à Jolly, je lui ai promis de le faire quand je finirai mon oral. Comment j'ai fait pour oublier, wesh ? Mon niveau de fatigue actuel est monstrueux. Je clique sur WhatsApp, et hésitant un peu, mon doigt presse sur le signe téléphonique en haut, à droite, à côté du contact de mon petit-ami. S'il est occupé, il va pas répondre, mais j'espère qu'il le fera.

Au bout de la troisième sonnerie, une voix cassée lance un allô qui me fait automatiquement sourire au milieu de la rue. Pff, sa voix, putain. Viens, frère, viens que je te vois. Ta voix ne me suffit plus. Je réponds par un salut, avant de soupirer. Pas une seconde de silence.

Alors ?! s'écrie-t-il, impatient, un bruit de frottement pénétrant en même temps dans mes oreilles.

— Ça s'est bien passé.

LUCAS, l'insomniaqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant