ÉPISODE 69

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MERCREDI, 10 : 00

La voiture est envahie par un silence. Quant aux toits des maisons et des magasins, ils sont envahis par la neige. C'est un paysage que j'trouve assez déprimant de bon matin. La radio est allumée et un mec parle justement de la baisse des températures au cours de cette semaine. Ah putain, encore ? On est bientôt en mars et le soleil n'est pas décidé à pointer le bout de son nez.

- Tu as cours à quelle heure ? me demande ma grande sœur, une fois que le feu rouge l'oblige à s'arrêter.

- 10 : 30.

C'est elle qui me dépose à la fac ce matin. Hé, c'est pas ma faute, j'ai raté le bus et m'absenter à un T.D n'est pas une option. En vrai, j'essaye de faire des efforts. C'est mon dernier semestre. Les examens finaux arrivent à grands pas. Je peux pas échouer ma dernière année de licence, tout de même. Dans trois mois, j'ai mes derniers examens et faut assurer quoi. Je ne dois pas m'retrouver aux rattrapages. Je tire un trait sur cette éventualité.

- Tu sais, tu devrais écouter maman parfois... elle pense à ton bien... toi, Lucas, tu ne penses pas à ce qui est bon pour toi.

La remarque de Manon m'agace plus qu'elle ne devrait. Soupirant, je tape avec exaspération contre la vitre de la caisse. Ce matin, ma mère m'a mis les nerfs. J'me suis réveillé la tête dans le cul et fallait qu'elle vienne rajouter une couche. En gros, elle m'a proposé que j'aille habiter chez mon oncle, à Lille. Il pourrait m'aider à trouver un job ou alors, je pourrais continuer mes études à l'université là-bas. J'ai trouvé cette idée complètement ridicule et j'lui ai dit que jamais j'irais chez mon oncle, hein.

Puis on s'est embrouillé et j'ai fini par rater le bus.

- J'vais pas aller vivre chez mon oncle. Et puis quoi encore, hein ? je réponds, avant d'appuyer sur un bouton pour éteindre cette radio de merde. Peut pas se taire, wesh. Quelle plaie.

- Et tu comptes faire quoi l'année prochaine ? Au moins, ton oncle pourra t'aider. Pourquoi refuser ?

- J'ai pas demandé son aide. J'ai une licence, c'est bon.

- Lucas, tu as 21 ans. Tu dois devenir indépendant à un moment, c'est clair ? Dans quelques mois, ta mère veut plus que tu restes à la maison. J'te préviens, c'est tout. C'est dans ton intérêt que je t'explique tout ça, tu comprends ? Pas pour le fils des voisins. T'es mon frère, je veux que tu deviennes mature.

- Façon, c'est pas comme si moi je voulais rester dans cette maison.

Je fouille dans la boîte à gants et trouve un paquet de chewing-gum mentos à la fraise. J'en chope un et le jette dans ma bouche. Ah, c'est pas bon c'truc, eurk.

- Très bien. Démerde-toi alors. C'est pour ça que j'te demande d'y réfléchir dès maintenant. Et puis, si tu es encore avec ton petit-ami, essaye de trouver un studio avec lui. Vous payerez à deux, au moins. Mais juste... commence à penser à des choses sérieuses. Tu n'es plus au lycée. Pense comme un adulte.

Que du blablabla pour rien. C'est pas parce que je parle pas de ces choses que j'y pense pas. Je sais qu'est-ce que j'vais faire l'année prochaine. Paumé, je le suis, mais pas tellement en vrai. Pas plus que la majorité des étudiants après leur licence. Je hausse les épaules, en ignorant les discours de ma sœur. Ça la fait chier que je réponde pas, mais j'ai rien à lui dire. C'est pas ses bails quoi.

- Bon j'te dépose ici. Allez, dit-elle, accompagnant le geste à la parole.

- Ouais. Ciao.

J'ouvre la portière, sous le regard blasé de Manon. Ah c'est bon aussi, elle abuse. Toujours des reproches, dans cette famille. Encore heureux que je fasse des études de droit à la fac. Bah ouais, faut savoir que je suis pas un grand esprit. Du coup, on va un peu se calmer. Bon. Je marche sur le trottoir, bonnet sur la tête et capuche relevée sur ce bonnet. C'est qu'il fait froid.

LUCAS, l'insomniaqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant