Moi, c'est Lucas. J'ai rien à dire sur ma vie, parce que y a rien qui m'intéresse. À part me défoncer et boire comme un trou lors des soirées, bah faut dire que j'fous pas grand-chose en fait.
Puis un jour, y a ce mec. Au début j'aimais pas son pré...
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21 : 20, chez Jolly
La fenêtre de la chambre de Jolly est fermée et les rideaux noirs quant à eux sont gardés ouverts, permettant l'accès à la lumière des lampadaires du quartier. Ça éclaire la pièce, traçant des ombres étranges sur les murs. La pièce, elle est sombre, juste la lumière bleue que Jolly aime beaucoup laisser allumée. Ouais, ça je l'ai bien remarqué. Il préfère ce bleu à celui des LED blanches. Il a raison. Cette couleur plante une ambiance grave cool ici. C'est agréable, d'y être.
Assis sur le lit, mon dos est maladroitement écrasé contre un coussin. Mes yeux, il galèrent de fou à rester ouverts, mes paupières vont bientôt me lâcher. J'sais pas pourquoi je suis si fatigué, c'est chiant. Pourtant, j'ai rien foutu de très fatiguant aujourd'hui. Fac. Puis là t'à l'heure, j'suis sorti avec mes potes et au final, Jolly m'a proposé qu'on aille chez lui. Me voici. J'ai direct accepté, sans réfléchir plus de trois secondes. En fait, j'me vois mal refuser son offre quoi, ça se refuse pas.
Ça fait des jours on s'est pas parlés, et pour la millième fois depuis ces jours, bah je le répète encore, il m'avait vachement manqué. Limite j'ai l'impression que j'suis soulagé qu'on se retrouve et qu'il me sourit finalement. Alors ouais je l'avoue. J'crois être content maintenant. Maintenant qu'il me sourit enfin, j'veux dire.
Là, j'le regarde, attentivement. Il joue de la guitare, ses jambes croisées, et assis en tailleur. Comment ses doigts glissent sur les cordes ; comment sa voix murmure dans le silence entrecoupé par les grosses gouttes d'eau chutant sur la vitre. Il joue bien, j'me dis. 'Fin on sait tous qu'il joue bien, mais je peux pas m'empêcher de penser que ce gars, il a beaucoup d'talent. Ça me fascine. Ouais je suis un peu fasciné. Par lui. Jolly arrive à me fasciner en jouant quelques notes avec une guitare.
— Funny how it seems like yesterday... chante-t-il, d'une petite voix calme et un peu mystérieuse, sans bien articuler les mots.
— As I recall, you were looking out of place... gathered up your things and slipped away... no time at all...
Tandis qu'il continuait, moi, j'me crame une cigarette que je pique de ma boîte de Marlboro. C'était la dernière, mais j'ai ma e-cigarette, toujours enfouie dans mon sac de cours. Parce que ouais, je suis toujours pas rentré chez moi depuis c'matin et faut peut-être que je prévienne ma mère que j'vais pas rentrer. J'veux pas rentrer. J'veux Jolly, actuellement. J'veux pas d'autre chose.
— On fait un p'tit concert samedi prochain avec les autres. Dans un bar. Tu viendras ? il arrête de chanter, gardant la même position avec sa guitare sur les cuisses, me jetant un léger coup d'œil.
— Ouais... dis-je, avant de tirer une première fois sur ma clope.
Il sourit et revient à sa principale occupation. Je mate son dos, son hoodie large et j'ai une drôle d'envie de me coller à lui, le toucher et surtout, surtout... l'embrasser. Me noyer dans son parfum. Ouais, c'est ça que je veux. Mais là, j'le laisse chanter. Il a l'air trop à fond pour être coupé au plein milieu.
