ÉPISODE 67

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MERCREDI, 20 : 00, chez Jolly


when I'm around slow dancing in the dark

don't follow me, you'll end up in my
arms

you have made up your mind

i don't need no more signs


Les doigts de Jolly glissaient sur sa guitare. Dans sa chambre, là où tout est bleu, il me donnait un concert privé. Ouais. J'ai beaucoup de chance en vrai. Les personnes qui ont pas eu l'droit à un concert privé de Jolly dans leur vie, bah vous ratez quelque chose.

Mais bon désolé. Je suis et serais toujours le seul à pouvoir en profiter.

― C'est pas déprimant ta chanson là, kesta ? je lui demande à mi-voix, avec un sourire paresseux.

― J'aime bien, moi.

Ses yeux lisent les notes de musique marquées sur un bout de papier, où des smileys sont dessinés en noir. Il joue bien, je trouve. Et il chante tout aussi bien. C'est comme s'il avait lui-même écrit cette chanson. Genre, il transmet si bien les émotions que ça en devient presque flippant.

En somme, ce mec a du talent.

L'épaisse fumée de mon joint envahit ma vision. Jolly disparaît quelques secondes dans le brouillard, avant de réapparaître, lucide et pâle sous la lumière bleuâtre. Je m'allonge plus confortablement sur le lit, tirant une énième tafe, l'expirant ; mon corps de plus en plus léger, mes pensées de plus en plus floues.

Comment décrire Jolly ? Par où commencer ? Des mois et des mois sont passés ; beaucoup d'paroles échangées ; beaucoup d'histoires à deux ; beaucoup d'moments intenses. Mais je sais toujours pas, qu'est-ce qui le rend unique ? Le monde peut très bien éclater en morceaux et voler en éclats, je m'en foutrais pas mal. Pourvu que Jolly reste intact, beau, reste Jolly.

Putain, je divague, ouais.

La voix d'mon mec se dissipe dans mon esprit. Et elle est belle. C'est comme ça que j'imaginerais la voix d'un ange vivant dans un quelconque paradis – s'il en existe un quelque part.

J'ferme les yeux. J'me sens grave bien. Tout devient noir, puis des images commencent à se former dans mon esprit.

Jolly était sur la banquette arrière d'une voiture roulant à 100km/h. Il sortit sa tête par la fenêtre pour sentir la brise. Il avait des ailes en plumes et un collier en or autour de son cou. Dehors, les étoiles étaient à portée de main ; leurs poussières s'étalaient sur ses joues. Hors du temps, hors de l'espace. Son rire se confondait avec la nuit noire. Ange des nuits noires. C'est joli.

— Tu dors ? Il est 20 : 00. Tu vas pas dormir maintenant, si ?

Une légère pression s'exerce sur ma joue. Mes yeux s'ouvrent sur Jolly qui me matait en souriant. Un mal de tête attaque l'ensemble de mon crâne. Wo, j'ai dormi ou c'est comment wesh ? En tout cas, j'ai fait un rêve bizarre, mais je me rappelle pas trop des détails.

— Réveille-toi... j'veux pas que tu dormes maintenant, rigole-t-il, en appuyant son doigt sur mon front.

— Putain, j'ai trop dormi ?

Ma voix est super cheloue.

— Non, t'inquiète. Vas-y, va prendre une douche. J'te donne un pyjama ?

Par contre, il peut baisser la voix un peu ? Je suis encore sonné et lui il est là à hurler dans mes oreilles. Ah, j'ai la gerbe en plus. Bon, sinon, il a raison. Je devrais prendre une bonne douche. C'est la meilleure chose à faire, après cette longue journée de merde.

LUCAS, l'insomniaqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant