Chapitre 10

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(Notes de début: oh shit...)

Jason.

Le néant. C'est exactement ce que je ressens en admirant l'une des œuvres d'Elizabeth.

Passions dérisoires.

A-t-elle voulu représenter notre relation ?

Son tableau est composé uniquement de couleur chaudes : du rouge, du marron, du jaune, et du noir. Rien qui ne présume un tel chaos. Mais lorsque l'on s'approche, il n'est pas difficile de deviner qu'elle a souhaité représenter le désordre de ses pensées.

Le malaise de son cœur.

La rancœur de son âme.

Je me déplace vers un autre tableau. Celui-ci est plus sombre, des teintes de gris se mélangent pour former un visage aux traits déformés. Comme s'il était en train de se fondre dans l'arrière-plan.

Je tourne la tête à la recherche d'une nouvelle toile et c'est alors que je la vois. Mon cœur se fige.

Un instant.

Une éternité.

Elle est dans les bras d'un autre homme... Comment ai-je pu croire une seconde qu'en venant à son exposition, je ne la verrais pas.

Au fond de moi, je l'espérais évidemment. J'espérais apercevoir ses cheveux auburn et croiser ses yeux noisettes. Mais, je ne m'attendais pas à la trouver accompagner, et encore moins à ce que cela me fasse aussi mal.

Comment les choses pourraient-elles être différentes ? Elle a détruit ma vie sans la moindre conséquence sur la sienne.

Elle a détruit deux vies et pour toute punition ? Elle atteint les sommets.

J'étouffe dans cette pièce, ses tableaux me narguent. Preuve de sa réussite et de mon échec.

Je n'arrive pas à détacher mon regard du duo qui est en train de rire. Ils s'avancent vers moi et je mets quelques secondes à le comprendre. Je fais volte-face et fais mine d'être absorbé par l'un des tableaux tandis qu'ils passent juste derrière moi en bavardant gaiement.

Le parfum d'Elizabeth emplit mes narines. Le même que je déteste. Le même qui me ramène dans le passé. Mon corps est figé, j'attends qu'ils soient passés, et la seconde d'après je me rue dehors.

Je ne dois pas vomir.
Pas ici.

Je marche droit vers la gare en m'insultant. Comment ai-je pu penser que venir à son exposition était une bonne idée ? Comment ai-je pu l'envisager une seule seconde ?

Sa voix résonne dans ma tête. Cette même voix qui me hurlait dessus il y a deux ans :

— Enfoiré ! Pourquoi es-tu tout le temps au téléphone ? Tu ne prêtes même plus attention à moi et à ce que je fais. Je devais te faire découvrir Paris, tu m'as plantée jour après jour ! Avec quelle femme me trompes-tu ?

Je me remémore chacune de ses paroles, enlaçant mon cœur, non pas pour le bercer, mais pour le cisailler.

— Elizabeth... c'est pas ça putain ! C'est une affaire de famille OK ? Alors lâche-moi.

— Une affaire de famille ? C'est pas plutôt une manière polie de me dire que tu te tapes ta cousine ou je ne sais qui d'autre ? Jason, putain... tu n'as pas pu me faire ça... Qui est cette femme ?

Elizabeth...

— Crache le morceau, j'en peux plus de tes excuses et de tes mensonges.

— Je préfère qu'on arrête là. Je m'en vais.

J'attrape mon sac et le pose précipitamment sur mes épaules. Les larmes pointent au creux de mes yeux. J'avance sans me retourner. Je ne veux pas connaître sa réaction, alors je claque la porte derrière moi et je me mets à courir en me répétant à quel point je suis lâche. À quel point je la déteste, à quel point c'est de sa faute, parce que si je ne suis pas là-bas, c'est à cause d'elle !

Mon cœur se serre, comment a-t-elle pu penser que je la trompais ? Il n'y a qu'elle que j'aie jamais aimé...

Je saute dans le premier taxi qui se présente et prends la route de l'aéroport pour attraper le premier vol pour Oslo. Malgré son prix exorbitant, je paie sans rechigner. Je dois être là-bas. Je dois voir ça de mes propres yeux. La colère s'empare de moi, j'attends sur le siège du terminal plusieurs longues heures qui me paraissent interminables. J'attends en ne pensant qu'à une seule chose, rentrer chez moi et découvrir que tout ça n'est qu'une blague...

Cela n'en était pas une... Je me souviens combien de fois mon téléphone a sonné. Combien de fois j'ai fixé le nom d'Elizabeth qui s'affichait à l'écran...

Au bout de la quinzième sonnerie, je l'éteins et l'enfouis au fond de mon sac.

Je me dirige tout droit vers les duty free. Je presse mes ongles contre ma paume pour être sûr que tout cela est bien réel, ça l'est. Je n'arrive plus à penser. Pourquoi ? Pourquoi moi ? Comment est-ce possible ? Non, c'est évident, c'est impossible... Je suis complètement dérouté. Mes pensées m'envahissent aussi vite que je dépense tout mon argent dans des clopes alors que je m'étais promis de ne pas utiliser mes économies ainsi. L'odeur des cigarettes m'apaise alors que je les fourre au fond de mon sac.

Le terminal résonne enfin : la femme annonce que les portes d'embarquement sont ouvertes. Je me précipite et me glisse le premier dans l'avion qui va me ramener chez moi. Loin du monstre qu'Elizabeth représente.

Je ne remettrai plus jamais de ma vie un seul pied à Paris, plutôt crever.

Je m'enfonce dans mon siège en première classe et m'impatiente. L'odeur qui flotte à l'intérieur de l'avion me donne la nausée. Je sors le catalogue de la pochette et je le plie. Je le déplie. Je le repose et le reprends, je le froisse et je finis par le lancer à mes pieds, impatient et stressé. Je m'enfonce les ongles sous la peau, je m'en veux aussitôt. C'est ma faute autant que celle d'Elizabeth. Je dois payer. Mes pensées me tuent et ma culpabilité m'emporte.

Je n'aurais jamais dû venir à cette exposition. J'ai été stupide. 

___

EH COUCOU !

Bon, bon, bon... 

Jason, que s'est-il passé ? 

On se dit à bientôt pour en savoir un peu plus ?

All my love is for you my tulips <3

Nos âmes enneigéesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant