->Chapitre 5.2<-

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Bennie

Les mots d'Enio n'ont pas quitté ma tête de toute la nuit.

« Un couple reste un couple si les deux partis font le nécessaire. »

Jusqu'à me hanter dans mes rêves.

« Tu as fait ta part. Et si Jack n'est pas capable de faire la sienne... »

Ou plutôt mes cauchemars.

« ... alors vous ne tiendrez pas la longueur. »

Je me suis d'abord promis de me laisser du temps pour y penser, pour mettre sur papier ce qui me semblerait les mots les plus justes. Et puis j'ai réalisé.

Hier était vendredi.

Aujourd'hui samedi.

Le seul jour où je suis sûre qu'aucun de mes frères et sœurs ne viendra épier ma conversation téléphonique avec Jack.

Suis-je prête à attendre, à jouer la comédie pendant une semaine de plus seulement pour me laisser le temps d'y réfléchir ? Alors que ma tête me crie d'être raisonnable, mon cœur hurle encore plus fort. Il a mal. Il est à bout de souffle. Il veut que le masque tombe. Mais surtout, il a été clair : soit, par miracle, la situation s'améliore, soit il s'empêchera lui-même de battre pour quelqu'un qui le fait tant souffrir.

Je ne suis pas amoureuse de Jack. Cependant, je l'aime déjà bien assez pour que la simple idée de le laisser partir me torde de douleur. Or, comme le montre à peu près tout sur cette terre, une douleur vive et fugace vaut mille fois mieux qu'une douleur continue.

J'ai eu toute la nuit pour réfléchir. J'ai répété mes conclusions un million de fois rien que sous la douche. Et pourtant, malgré tout ça, mes mains tremblent en prenant mon téléphone et il me paraît que j'oublie toutes mes convictions en appuyant sur la touche d'appel. Mais le pire reste le moment où sa voix retentit à mon oreille, me faisant oublier jusqu'à mon propre nom.

-Hey ! Comment vas-tu aujourd'hui ? Bien dormi ? Prête pour ton contrôle ?

Sa joie, son désir de savoir comment je me sens... C'est si bon.

J'aimerai croire à cette illusion, agir comme si tout allait parfaitement bien même si je sais que ce sentiment de perfection disparaît lorsque je raccroche et prends assez de recul pour voir la vérité en face. Nos messages n'ont plus rien de particulier et j'en arrive à ne plus savoir de quoi lui parler. Nos appels sont les seuls restes de ce qui devrait être une relation de couple.

-Je peux te poser une question ? dis-je au bout de ce qui a dû lui sembler un long silence.

-Une question ? répète-t-il hésitant. Oui... Oui, bien sûr. Tu es sûre que tout va bien ?

Ignorant sa question et les précédentes auxquelles je n'avais déjà pas répondu, je me lance.

-Qu'est-ce que tu penses de nous ?

Un silence accueille ma question et je ne réussis même pas à l'interpréter. Est-il perdu ou réalise-t-il enfin toutes ces choses que je vois s'envoler peu à peu entre nous ?

-Tu es de plus en plus distant, repris-je. Tu te caches derrière toutes ces questions sur ma vie tandis que je ne connais rien de la tienne. J'ai essayé de patienter, de te trouver des raisons, mais...

Les mots ne me viennent pas et sa voix n'a toujours pas donné signe de vie. La seule chose qui me prouve qu'il est encore là à m'écouter est son souffle, régulier et pourtant peu assuré, à travers le combiné.

-Jack.

Son simple nom dans ma bouche fait disparaître le son de sa respiration et je n'ai plus que l'écran de mon téléphone pour me prouver sa présence.

Destinés à patienterOù les histoires vivent. Découvrez maintenant