->Chapitre 8.3<-

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Jack

Je le savais. Quand j'ai dit à Enio que j'allais entrer pour lui parler, j'ai tout de suite su que j'aurais dû tenir ma langue. Les secondes qui ont suivie m'ont donné raison : Enio a ouvert la porte d'entrée et s'est engouffré dans la maison comme un ouragan. Je n'ai même pas eu le temps de l'entrevoir qu'elle était déjà enfermée dans la cuisine avec lui.

Encore une fois, Bennie était hors d'atteinte.

Avi pose sa main sur mon épaule, bredouillant que c'est peut-être « pour le mieux ». Je suis le groupe à travers la maison même si je sais, avant même d'arriver au jardin, que je n'ai pas le cœur à faire la fête. Je me réjouis pour Bennie, cela va sans dire, mais je ne veux qu'une chose : présenter mes excuses. Et tant que ce n'est pas fait, je ne peux pas penser à autre chose.

En voyant Monsieur et Madame Tahault, une lueur d'espoir s'allume dans mon esprit. Après tout, je dois aussi me faire pardonner d'eux pour avoir été un si bel abruti avec leur fille. Je marmonne une phrase sans queue ni tête à la troupe avant de m'éloigner.

J'ai vaguement conscience que je ne suis pas censé être ici et que voir ma tête ne sera pas un immense plaisir pour les parents de Bennie mais c'est plus fort que moi. Je dois faire quelque chose.

-Excusez-moi, dis-je en interrompant leur discussion avec un autre couple. Puis-je-

Passé l'effet de surprise, le regard meurtrier de Monsieur Tahault me dissuade de finir ma phrase. La mère de Bennie murmure quelques mots au couple qui s'éloigne aussitôt. Finalement, je ne suis plus sûr qu'attirer leur attention ait été ma meilleure idée.

-Tu es sacrément culotté de venir jusque chez nous après ce que tu as fait, lâche Monsieur Tahault.

Je me retient de baisser le regard. Avec ses talons vertigineux, même Madame Tahault est plus grande que moi. J'ai toujours su que j'étais sous la moyenne niveau taille, mais là je me sens encore plus ridicule.

-J'en ai conscience Monsieur.

-Et as-tu conscience du peu d'estime que nous avons pour toi après ta façon de traiter notre fille ?

Bennie m'a toujours dit que sa mère était pire que son père. J'ai comme l'impression que je m'apprête à comprendre pourquoi.

-Parce qu'à ta place, reprend-elle, je me serais enfermée chez moi en priant pour ne jamais nous croiser.

Je déglutie péniblement. Il est trop tard pour reculer maintenant. J'inspire profondément avant d'ouvrir à nouveau la bouche, pesant avec précaution chacun de mes mots.

-C'est ce que j'ai fait. Pendant une année entière.

-Noble à toi de l'avouer, commente Monsieur Tahault avec ironie.

-Mais je vous dois des excuses, continuais-je. Vous avez élevé une jeune fille formidable et depuis que je suis entré dans sa vie, je n'ai pas cessé de la faire souffrir. J'aurais dû m'éloigner dès les évènements de Berlin.

-Les évènements de Berlin ? m'arrête Madame Tahault en arquant un sourcil.

Oui, un seul sourcil. J'applaudirai bien cette maitrise parfaite des muscles du visage mais je crains que ce ne soit pas vraiment le moment.

-Si je m'étais gardé de dire qu'elle me plaisait, Bennie n'aurait jamais enduré ce qu'elle a subi sur les réseaux sociaux par la suite, rappelais-je sans rentrer dans les détails.

Après tout, s'il y a bien une chose que j'ai apprise de cette histoire, c'est qu'il vaut mieux en dire moins que trop.

-De quoi parles-tu jeune homme ? s'agace Monsieur Tahault.

Destinés à patienterOù les histoires vivent. Découvrez maintenant