Jack
« C'est parce qu'au fond tu ne veux pas d'aide. »
Ces mots me font l'effet d'un poignard trouvant son chemin dans ma chair. Je reste statique, encore trop surpris pour ressentir la douleur qui irradie dans mon corps : Bennie, qui évite en temps normal les conflits comme la peste, vient de me dire droit dans les yeux ce qu'elle pense réellement de mon comportement.
Pour elle, je n'ai pas tout gâché pour la protéger. Non, ça, c'est seulement la version que je me répète pour dormir la nuit. En réalité, je ne veux pas admettre que j'ai besoin d'aide et en cela, les paroles de Bennie rejoignent parfaitement celles d'Enio : « -Jack, peut-on parler de- -Moi et Bennie ? -Non. De toi. Seulement de toi. » Est-ce par fierté, par honte ou par peur que je m'empêche de tourner la page ? Peut-être un mélange des trois.
Tout ça pour dire que Bennie n'est en rien responsable du fossé que j'ai creusé entre nous pour la tenir éloignée. Et pourtant, la dernière phrase qu'elle prononce avant de sortir de la pièce, bien que légitimement vraie, me fait sortir de mes gonds.
« Le problème vient de toi, et tant que tu ne feras pas ce qu'il faut, même moi je ne pourrais rien faire pour toi. »
Sans réfléchir à deux fois, je sors de la pièce immédiatement après elle. J'ouvre tellement violemment la porte que le courant d'air que je crée fait se retourner toutes les têtes du couloir. Le silence s'impose aussitôt et Bennie, qui n'avait eu le temps de faire que quelques pas, me fixe de ses yeux sombres. Elle ne fronce pas les sourcils ni même ne parait surprise. Ce que j'observe sur son visage est la même expression que celle qu'elle porte depuis lundi : l'espoir.
Et moi, comme tous les jours depuis lundi, je vais faire s'envoler cet espoir.
-Tu as tort, lâchais-je de but en blanc bien plus fort que je ne l'aurais voulu.
Si jusque-là, seul le couloir s'était tut, désormais je pouvais voir les corps s'agglutiner au loin derrière Bennie dans le but d'être témoin de la scène semblant si prometteuse en matière de potins.
-Pardon ?
Cette fois-ci, Bennie a bel et bien froncé les sourcils.
-Le problème ne vient pas que de moi.
Je fais un pas de plus tandis que Bennie n'ose plus bouger. Elle jette des regards autour d'elle, blottissant ses bras contre elle puis reporte son attention sur moi. Cette fois-ci, son regard se fait suppliant mais, emporté par la colère du fait qu'elle n'accepte pas que je veuille simplement la protéger, je ne réalise pas pourquoi il se fait suppliant.
-Toi non plus tu ne rends pas la tâche facile. Tu es toujours en cours ou en train de faire tes devoirs, tu n'es pas capable de trouver un moment dans ta journée pour m'appeler sans que tes frères et sœurs ne soient là pour discuter avec moi à ta place, et au moindre problème tu cours te réfugier dans les bras d'Enio.
A peine les mots sortis de ma bouche que je les regrette déjà. Qu'ai-je fais ?
Les yeux de Bennie brillent de larmes et malgré les deux mètres qui nous séparent, je devine qu'elle fait de son mieux pour les empêcher de tomber sur ses joues.
La honte s'empare de moi de plein fouet alors que je prends conscience de ce que je viens de faire : une scène de ménage devant une vingtaine de personnes. Je réalise que les yeux suppliants de Bennie quelques minutes auparavant étaient pour me demander silencieusement de ne pas faire ce que j'avais en tête devant autant de monde.
Idiot comme je suis, je ne m'en rends compte qu'une fois qu'il est trop tard.
-Bennie, je-, dis-je en m'avançant vers elle mais elle m'arrête en reculant elle-même.
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Destinés à patienter
RomanceTout commence à quelques jours de Noël. Non, ça ne se finit pas en baiser sous la neige. Bennie, étudiante timide et réservée, quoi qu'un peu excentrique lorsqu'elle entend du Gilbert Montagné, a un but et elle compte bien l'atteindre : être diplômé...